1.4.07

Une présidente sulfureuse et sexy


Une présidente sulfureuse et sexy

1 : Le projet de cercle culturel
(Lundi vers 14 heures)

Danièle Dorelli a cinquante-deux ans. Journaliste régionale « free lance », c'est une grande et belle femme brune aux cheveux longs avec peut-être quelques rondeurs. Elle tient de ses lointaines origines italiennes son allure quelque peu sulfureuse et sexy. Elle aime les hommes, certaines langues disent aussi les femmes, mais de préférence, plus jeunes qu'elle.

Très indépendante, elle ne reste jamais très longtemps avec la même personne. Divorcée, mère de deux enfants ayant pris leur envol, cette femme très cultivée touche un peu à la politique et a énormément de relations. Ses deux passions : la littérature et l'histoire régionale.

Danièle habite Saint-Cugnac une bourgade proche de Montpellier dont les habitants ont vu leur nombre passer de quelques centaines à plus de dix mille en moins de dix ans.

C'est aujourd'hui en début d'après-midi que le maire de Saint-Cugnac et ses principaux adjoints reçoivent Danièle à la mairie pour lui demander de prendre en charge l'organisation d'un cercle culturel accessible à l'ensemble de la population. Tous les jeunes de sept à soixante-dix-sept ans, selon ses dires.

Danièle est enthousiaste. Sa poitrine qu'elle est toujours fière d'arborer plus ou moins discrètement, regorge d'allégresse. C'est dans un état d'excitation extrême et avec un verbe chaud et haut qu'elle s'adresse au premier magistrat de la ville après avoir appris la nouvelle :

- Monsieur le Maire... je suis contente... je suis contente... je suis contente...
- Votre bonheur fait plaisir à voir Madame Dorelli mais, s'il vous plaît, ne nous faites pas une crise cardiaque.
- Ah ! Je vous le répète Monsieur le Maire, vous ne pouvez pas savoir comme je suis contente. Il faut absolument que je vous embrasse.
- Bien volontiers ! En m'embrassant c'est toute la ville que vous embrassez. Votre enthousiasme nous confirme que nous avons fait le bon choix.

Monsieur le Maire se lève, Danièle fait le tour de la table et se jette sur lui pour l'embrasser avec fougue sur les deux joues. Profitant de cette ambiance enflammée les autres conseillers se lèvent à leur tour. Comment refuser une accolade très chaleureuse à la sulfureuse présidente du nouveau cercle culturel. Le calme revenu et tout le monde ayant regagné sa place, Monsieur le Maire prononce quelques mots avant de clore la séance :

- Madame Dorelli, merci d'avoir accepté cette mission. Notre choix s'est porté sur vous, sur les conseils de Sylvain Sassait notre adjoint aux affaires scolaires et culturelles. Il a beaucoup insisté sur votre disponibilité, votre culture, vos connaissances historiques et sur la qualité de votre plume.
- Monsieur le Maire, je tiens à remercier toute votre équipe pour l'honneur que vous me faites. Cette mission me porte vraiment à cœur.

Danièle, dont l'état d'excitation ne baisse toujours pas, se tourne vers le responsable de sa nomination :

- Monsieur Sassait, si vous avez une paire d'heures à me consacrer, je vous invite tout de suite chez moi, nous pourrons jeter sur le papier nos premières idées sur ce nouveau cercle.
- Madame Dorelli, au nom de la municipalité j'accepte avec plaisir votre invitation. Visiblement vous ne faites pas partie des femmes qui remettent au lendemain ce que l'on peut faire le jour même.
- Oh, ça non !

Et Danièle de rajouter après quelques secondes d'hésitation :

- Et dans tous les domaines.

Danièle Dorelli et Sylvain Sassait quittent la petite salle de réunion, sortent de la mairie et se dirigent vers leur voiture. Danièle montre le chemin, le trajet est très court, quelques kilomètres à peine. En arrivant chez elle, Danièle fait les honneurs de la maison et invite Sylvain à s'installer dans un grand fauteuil, face à une petite table basse :

- Mettez-vous à l'aise, je vais chercher une bouteille de champagne, si cela vous fait plaisir, bien évidement ?
- Mais bien sûr, Madame Dorelli, bien sûr.
- Comme nous allons travailler un certain temps ensemble je vous propose de m'appeler Danièle.
- Echange de bons procédés, profitez-en pour m'appeler Sylvain.

Danièle se retire quelques instants et revient avec la bouteille de champagne, deux flûtes et des amuse-gueule :

- Laissez-moi ouvrir la bouteille, Danièle, je meurs d'envie de vous servir et de trinquer avec vous.

Sylvain fait sauter le bouchon tandis que Danièle le fixe droit dans les yeux avec le regard d'une femme très sûre de sa féminité :

- À votre santé, Sylvain, et surtout merci de m'avoir proposé pour cette fonction.
- En me présentant vos remerciements je vous trouve rayonnante et... et...
- Sexy ?
- Euh... Oui ! C'est le mot qui vous convient.
- J'ai une dette vis-à-vis de vous que j'aimerais bien combler.
- Mais vous ne me devez rien, Danièle, rigoureusement rien.
- Si, je vous dois le bonheur immense que vous venez de me donner et j'aimerais bien le partager avec vous.
- Mais croyez-moi, Danièle, je partage complètement votre bonheur.
- Ce n'est pas comme cela que je veux le partager mais en faisant l'amour avec vous.
- Euh ! En faisant... En faisant l'amour avec...
- Oui, avec vous.

Sylvain est plus que surpris. Danièle, cette femme aux formes sulfureuses et sexy, une des femmes les plus cultivées de Saint-Cugnac lui propose tout simplement de faire l'amour avec lui, de but en blanc, une flûte de champagne à la main :

- Danièle, vous savez que je suis marié.
- Oui, mais vous n'êtes pas obligé de le répéter à votre femme. Quand un homme est gentil avec moi, j'aime être gentille avec lui. J'espère que je ne vous ai ni choqué, ni cassé tous vos effets en vous faisant cette proposition.
- Mais non, Danièle, bien sûr que non.
- Alors prenez le champagne, les flûtes et le tout le reste, et suivez-moi dans ma chambre.

Sylvain a quarante ans bien sonnés et, bien que s'étant marié assez tard, c'est la première fois qu'une femme lui propose de partager sa joie en partageant son lit :

- Et n'oubliez pas, Sylvain, après la bagatelle on se met au travail.
- Oui ! Mais il va être très tard et ma femme m'attend pour le dîner.
- Votre femme aime-t-elle les activités culturelles ?
- Oui, elle enseigne l'histoire au collège de la ville.
- Alors dans ce cas, demandez-lui de venir dîner avec nous et nous préparerons le projet à trois. J'aimerais que ses grandes lignes soient définies pour demain matin.
- Euh ! Vous... vous voulez que ma femme vienne ici, chez vous ?
- Oui, dès que nous aurons fini de faire notre gros câlin.

Sylvain a besoin de reprendre un peu son souffle avant de répondre à Danièle :

- Je vais l'appeler sur mon mobile... Vous savez j'ai déjà connu beaucoup de situations dans ma vie, mais pour moi, celle-là est tout à fait inattendue.
- Sylvain, c'est le journalisme qui m'a amené à prendre mes décisions rapidement et à devenir la maîtresse de ma vie.
- Avec l'esprit de décision et de répartie que vous avez, vous devriez faire de la politique.
- À ce propos, Sylvain, il me semble que dans le monde politique et associatif le tutoiement est de rigueur.
- Oui, bien sûr.
- Alors qu'est-ce qu'on attend ?
- Rien, tu as tout à fait raison, Danièle.

Sylvain a toujours ses mains encombrées avec la bouteille de champagne et tous les accessoires. En arrivant dans la chambre il aperçoit une table de nuit qui est la bienvenue et y dépose le tout. Danièle en profite pour s'en remplir une deuxième flûte puis s'éloigne de la chambre en disant :

- Sylvain, téléphone à ta femme, ferme les volets, tire les gros rideaux, allume la bougie qui est sur ma table de nuit, déshabille-toi, rentre dans le lit et appelle-moi dès que tu seras prêt.

Le ton employé par Danièle et la situation deviennent tellement loufoques que Sylvain ne peut s'empêcher de rire à gorge déployée. Il se met au garde-à-vous en faisant le salut réglementaire :

- À tes ordres Danièle !

Danièle prend tout à coup conscience du côté burlesque de la situation, se retourne vers Sylvain et, ne pouvant plus se retenir, part d'un énorme fou rire :

- Je n'ai aucun ordre à te donner, c'est ma joie qui fait que je suis tout excitée et que je donne des ordres qui n'en sont pas. Chaque fois que j'ai une grande émotion j'agis bêtement de la sorte.
- Une émotion gaie ?
- Gaie ou triste, les deux. Quand je suis triste j'aime aussi qu'on me fasse l'amour pour me consoler. C'est ma nature, je suis comme cela, pour moi l'amour : c'est la vie.

Danièle se dirige vers la salle de bains pour se déshabiller. Sylvain passe un coup de téléphone à sa femme Sophie et commence à préparer la chambre conformément aux ordres de sa sulfureuse et sexy « adjudante en chef ». La porte de la chambre est fermée. Du fond de la maison on entend de l'eau qui coule. Danièle est peut-être en train de prendre une douche. Mais peu importe, Sylvain est un doux rêveur, il se sent bien, très bien. Son esprit peut partir en vadrouille.

Il pense à sa femme Sophie de douze ans sa cadette, elle qui n'a voulu s'offrir qu'à l'homme qui partagerait sa vie. Elle qui aime faire l'amour, souvent, très souvent, en se donnant complètement. Elle qui veut que Sylvain ait à chaque fois le plus grand des plaisirs, mais sans aller chercher midi à quatorze heures. C'est vrai qu'elle est très réservée sur ce sujet. Les amis d'enfance de Sylvain qui la connaissent bien, la considèrent sur le plan de l'originalité des gros câlins comme « complètement et définitivement coincée ».

Tout d'un coup la voix de Danièle sortant de sa salle de bains fait revenir Sylvain dans le monde réel :

- Sylvain, tu es prêt ?
- Euh, oui ! Ta chambre et moi sommes prêts à t'accueillir.
- J'arrive.

Danièle arrive dans une magnifique nuisette provençale en coton très fin boutonnée sur le devant. En la voyant Sylvain fait un bond en arrière de vingt ans. Cette femme superbe et désirable lui rappelle une amie de sa mère avec qui il avait eu une aventure torride, une aventure qui avait marqué sa vie d'étudiant, une aventure qu'il ne croyait pas renouveler.

- Danièle, avant de rentrer dans le lit n'oublie pas d'enlever ta nuisette. Je ne veux aucun intermédiaire entre mes yeux, mes mains et ta peau.
- Toi aussi, tu donnes des ordres ?
- Moi, c'est la politique qui m'a appris à être directif en certaines occasions.

À la seule lumière de la bougie, Danièle défait un à un les boutons de sa nuisette, naturellement, sans mise en scène particulière. Allongé dans le lit, Sylvain la découvre femme, vraiment femme. Tout son corps est désirable. Sylvain ne sait pas par où il va commencer, ses seins, son ventre, son cou, ses cuisses, ses fesses, sa bouche. Il est comme un jeune enfant chez la marchande de bonbons, il a envie de tout dévorer en même temps.

La peau de Danièle est douce, soyeuse et empreinte d'une odeur enivrante mêlant la verveine et le citron. Danièle veut parler mais Sylvain l'en empêche en posant délicatement un doigt sur sa bouche en guise de bâillon :

- Chut, Danièle, Chut ! Profitons de l'instant présent. J'ai seulement envie d'entendre le bruit de mes doigts effleurant ta peau.
- Et moi je meurs d'envie de t'embrasser et de te croquer.
- Chut, Danièle, Chut ! Soit patiente, ne brusque pas tout, laisse agir le silence, je veux prendre tout mon temps pour faire les plus beaux rêves avec toi.

Sylvain se redresse un peu et regarde Danièle dans les yeux :

- Tu es tellement belle et désirable Danièle... je me sens si bien... ne me répond pas.

Sylvain pose sa bouche sur la poitrine de Danièle qui répond en lui caressant ses cheveux. Puis lentement, très lentement, avec beaucoup de douceur sa bouche descend le long du ventre pour se diriger vers des zones plus féminines, plus sensibles, des zones qui associent la douceur, le plaisir et le rêve.

Danièle à l'impression d'être sur un nuage, de voler. Son corps lui paraît si léger.
Elle s'attendait à faire un amour violent avec cet homme sensiblement plus jeune qu'elle, un amour où les forces des deux corps s'unissent pour décupler le plaisir. Avec Sylvain elle est dans un univers de douceur, d'harmonie. Elle sent monter lentement en elle le besoin d'accéder au plaisir, mais en prenant le chemin des écoliers, c'est-à-dire en prenant son temps, tout son temps. Quand les lèvres de Sylvain, si chaudes et si douces, se posent sur son bouton d'amour, tout son être est pris de frémissements. Quand les doigts de Sylvain effleurent ses cuisses ou sa peau, c'est tout son corps qui a la chair de poule. Puis le temps s'écoulant, toutes ses sensations calmes et discrètes au début deviennent plus violentes. Danièle voudrait les dominer, les apprivoiser, donner du temps au temps, mais son corps ne veut plus lui obéir, il refuse d'attendre, il veut être apaisé. Il faut maintenant que le plaisir arrive.

La langue de Sylvain insiste sur les zones les plus sensibles, sa bouche se délecte des manifestations onctueuses qui précèdent le plaisir qui va la submerger. Quand finalement Sylvain aspire avec force le bouton d'amour de Danièle avant de le mordiller avec ses dents, c'est l'explosion, indécente, sans retenue. Le ventre et les cuisses de Danièle se contractent avec tous ses muscles. Elle saisit fortement la tête de Sylvain dans ses mains, soupire profondément et puis, comme tout a une fin, le calme revient, son corps est soulagé, son visage est détendu. Sylvain s'allonge à côté de son amante et la serre dans ses bras. Danièle reprend sa tête dans ses mains et le regarde droit dans les yeux avec une expression mêlant désir et autorité :

- Maintenant tu vas m'embrasser.

Leur baiser est passionné. Il permet à Danièle de prolonger les instants de plaisir qui viennent de la submerger. Puis Danièle se fait chatte, elle se blottit dans le cou de Sylvain pour chercher un refuge au temps, ce temps qui passe trop vite et qu'elle ne sait arrêter.

- Sylvain, sers-nous une petite coupe de champagne, le plaisir me donne soif.

Sylvain se lève, remplit les deux coupes et trinque avec Danièle qui lui dit :

- Tu fais souvent des bisous coquins à ta femme avant de lui faire l'amour ?
- Pas assez souvent.
- C'est dommage pour elle. Maintenant, à nous deux... Mais avant : à nos amours.

Les deux coupes de champagne étant bues, Sylvain se recouche et s'allonge sur le dos. Danièle caresse sensuellement le corps de Sylvain qui se laisse faire comme un bébé. Quand avec sa main elle se rapproche des parties spécifiquement masculines, il lui est facile de constater l'étendue du désir. Danièle se met à genoux sur Sylvain, guide son sexe à l'entrée de sa grotte d'amour avec sa main, et le fait rentrer très profondément. Sylvain se sent dans un univers de chaleur et de bien-être. Danièle prend tout en charge, c'est elle l'actrice et c'est un rôle qu'il apprécie tout particulièrement.

- Sylvain, j'espère que tu aimes les femmes qui prennent des initiatives ?
- Bien sûr, Danièle, bien sûr.
- Je trouve ça très agréable de dominer et de maîtriser le plaisir des hommes.
- Et tu veux me dominer ?
- Oui ! Pour te donner le plus grand plaisir possible.

Danièle bouge le bas de son ventre très langoureusement au début, puis avec des mouvements de plus en plus amples. Elle reconnaît l'état d'excitation de Sylvain à la force avec laquelle il lui serre ses cuisses. Au moment où elle se met à sentir que le moment ultime approche et que plus rien ne peut l'arrêter, elle fait rouler son bouton d'amour sous ses doigts pour que leurs deux plaisirs arrivent en même temps :

- Danièle, je ne vais plus tenir très longtemps.
- Ne t'inquiète pas, Alain, moi non plus.

Sylvain prend la poitrine de Danièle à pleine main et la serre avec passion, certainement un peu trop. Puis il redescend ses mains vers les cuisses en appuyant avec la vigueur d'un homme qui ne maîtrise plus sa force. Ses doigts laissent de longues traînées rouges sur la peau. Danièle devrait ressentir de la douleur mais elle est comme anesthésiée par la vague de plaisir qui est sur le point de déferler sur elle. Danièle se redresse, son regard est dans le vague, son corps est pris de soubresauts incontrôlés, elle commence à râler de plus en plus fort sans vouloir se modérer. Quand arrive le moment où Sylvain lâche par saccades dans son ventre ses jets chauds de plaisir, Danièle pousse un grand cri, comme soulagée par cette jouissance qu'elle vient de déclencher. Elle regarde Sylvain avec des yeux très doux, presque maternels, puis s'affale sur lui en blottissant sa tête dans son cou :

- C'est ça ma manière de te remercier, Sylvain.

Comme un enfant Sylvain joue avec la généreuse poitrine de Danièle. Puis le temps passant comme toujours trop vite, elle reprend la direction des opérations :

- J'adore materner les hommes, Sylvain, mais maintenant il faut vraiment se remettre au travail.
- Tu n'as pas un dernier petit dessert à m'offrir ?
- Si, je t'accorde un dernier gros baiser, mais pas plus.

Sylvain ne s'attendait pas au ton un peu sec de ce dernier propos et a du mal à cacher une certaine déception sur son visage. Danièle s'en aperçoit et, avant de rapprocher leurs lèvres, lui dit avec une voix sensuelle et coquine :

- Ne t'inquiète pas, Sylvain, c'est notre dernier gros baiser... pour l'instant.
- Je n'étais pas inquiet, Danièle, pas du tout.

L'impatience de Danièle à se mettre au travail est manifeste. Sylvain ne veut pas la contrarier. Il aimerait bien profiter régulièrement des remerciements de Danièle qui, soit dit en passant, fait admirablement ce que son épouse adorée « coince un peu » à envisager. Danièle se lève immédiatement suivie par Sylvain. Debout il découvre l'allure rebondie du magnifique fessier de sa nouvelle amante. Au moment de quitter la chambre, Sylvain lui donne une vigoureuse claque sur les fesses plus sonore que forte. Danièle sursaute un peu puis se retourne très souriante en déclarant :

- Ta main semble particulièrement attirée par les rondeurs féminines.
- C'était beaucoup trop tentant, Danièle, beaucoup trop.
- Si un jour je fais une bêtise qui mérite une punition je saurai à qui faire appel... mais il faudra me consoler après.
- Mais Danièle n'oublie pas, je suis aussi capable de te consoler sans bêtise et sans punition.
- Je ne doute ni de l'un, ni de l'autre.

Une fois rhabillés, Danièle et Sylvain s'installent sur la grande table de la salle à manger pour travailler. Danièle note tout en direct sur son micro-ordinateur, une vieille habitude de journaliste. Deux heures plus tard ils sont rejoints par Sophie, l'épouse de Sylvain, qui arrive les bras chargés de documentations puisées sur Internet. Le repas est expédié sans arrêter de travailler. Vers deux heures du matin l'avant-projet est enfin terminé. Dans un premier temps il y aura une activité littéraire et une activité philosophique. Il ne reste plus qu'à en trouver les animateurs bénévoles. Tout le reste suivra. Sylvain et son épouse peuvent prendre congé de Danièle. Après avoir fait leurs adieux, Sylvain demande à Danièle :

- Je n'ai pas pris de copie du travail qu'on vient de faire, par sécurité il serait bon d'en avoir un double.
- Pas de problème, répond Danièle, ça tient facilement sur une disquette, accompagne-moi dans mon bureau, je vais t'en donner une, il n'y en a pas pour cent sept ans.

Sylvain suit Danièle et laisse sa femme dans l'entrée le temps de faire la copie. Arrivé dans le bureau Sylvain prend la tête de Danièle dans ses mains et lui déclare :

- La disquette, c'est un prétexte, j'ai une folle envie de t'embrasser et te caresser ton corps avant d'aller me coucher...
- Et tu veux surtout faire une petite prolongation avec moi avant de faire l'amour avec ta femme qui n'attend que cela. Tu as raison, profites-en. Cette nuit, c'est moi qui serai seule, alors pense un peu à moi.

Sylvain pose ses lèvres sur celles de Danièle. Leur baiser est court mais passionné. Les mains de Sylvains effleurent une dernière fois ce corps si sensuel qui lui a donné tant de plaisir quelques heures auparavant. Puis c'est le signal du vrai départ.

Danièle part se coucher seule mais épuisée. À six heures trente précise du matin son radio-réveil se met en marche. Ce n'est pas facile de se lever en s'étant couché si tard et après une journée si riche en évènements. Il reste beaucoup de choses à faire : faire imprimer l'affichette de l'avant-projet et aller la porter partout où elle pourra être vue. Et puis après, à la grâce de Dieu et à la bonne volonté des habitants de Saint-Cugnac.

2 : Le projet d'atelier d'écriture
(Mercredi vers 8 heures)

Brigitte Béranger a quarante-cinq ans. C'est une belle femme très méditerranéenne, la peau mate, des cheveux noirs assez longs. Très discrète sur sa vie privée, cette mère d'une grande fille de dix-huit ans en première année de fac, ne s'est jamais mariée.
Enseignante agrégée d'espagnol, elle parle couramment le catalan depuis quelques années. Elle aime écrire des nouvelles et faire des traductions les plus diverses en particulier dans le domaine historique. La guerre civile espagnole est de loin son centre d'intérêt le plus marqué.

Son amie intime, Carmen Cruzado a quarante ans. D'origine catalane, cette femme très intelligente et très cultivée est à la fois peintre et écrivain. Elle s'exprime parfaitement dans trois langues : le catalan, l'espagnol et le français. Ses connaissances sur la Catalogne et sa participation à la guerre civile espagnole sont reconnues. De nombreux articles portent sa signature.

Carmen est très avare de propos sur son passé, on sait seulement qu'elle est restée mariée quelques années mais n'a jamais eu d'enfant. Sa manière d'être est très particulière, c'est une femme plutôt belle, à l'allure très « cuir » et un brin sévère. Sa voix, particulièrement douce, surprend toujours ses interlocuteurs.

Carmen et Brigitte se parlent la plupart du temps en espagnol ou en catalan.

En se rendant vers huit heures à la maison de la presse pour chercher son journal du matin, Brigitte aperçoit l'affiche annonçant le projet de cercle culturel. Elle demande immédiatement des précisions au libraire :

- Je n'avais jamais remarqué cette annonce de cercle culturel à Saint-Cugnac.
- Vous ne pouviez pas, on me l'a apportée hier soir avant ma fermeture. C'est une décision très récente du conseil municipal, quelques jours à peine. C'est Danièle Dorelli qui est chargée du projet.
- Qui est ce brave homme-là ?
- Ce n'est pas un homme, c'est une femme d'origine italienne, et particulièrement bien faite à ce qu'on dit. Elle est journaliste.
- Il n'y a rien d'autre que cette affichette sur ce projet ?
- Si ! Il y a un document qu'on peut trouver à la médiathèque ou sur le site Internet de la mairie.
- Je vais le télécharger en rentrant. Merci pour tous ces tuyaux.

Aujourd'hui Brigitte n'a cours que de neuf heures à midi. Arrivée chez elle, elle télécharge le document et téléphone à son amie Carmen :

- Bonjour Carmen, je ne te réveille pas trop tôt ?
- Non je suis toujours debout à sept heures précises pour écouter les « infos ». La journée appartient à ceux qui se lèvent tôt.
- Je reviens de chez le libraire, la commune a un projet de cercle culturel, on pourrait peut-être en parler toutes les deux.
- Tu penses à ta vieille idée d'atelier d'écriture de récits et de nouvelles.
- Tout à fait.
- Eh bien, Brigitte, on se voit quand ?
- Je termine mes cours à midi, viens déjeuner chez moi vers une heure, cela me laissera le temps de me retourner.
- OK ! À tout à l'heure.

La matinée se passe beaucoup plus vite que d'habitude. Brigitte décide de donner un contrôle à l'ensemble de ses élèves pour penser tranquillement à son projet. En sortant du lycée, elle s'arrête faire quelques achats chez le traiteur et y aperçoit la même affichette que chez le libraire.

De retour chez elle, Brigitte s'affale dans son grand fauteuil en cuir. Il n'est plus très beau, mais qu'il est confortable ! Elle a à peine le temps de remettre ses idées en place que son amie Carmen sonne déjà à la porte :

- Installe-toi, Carmen, j'apporte de quoi boire et quelques trucs que j'ai achetés chez le traiteur.

De retour de sa cuisine, Brigitte embrasse son amie Carmen.

- Dis donc Carmen, tu as une de ces têtes.
- J'ai fait l'amour comme une folle toute la nuit avec ma nouvelle jeune conquête.
- Et qui est ta nouvelle dulcinée ?
- Une magnifique Allemande de vingt-deux ans qui termine ses études de littérature française à Montpellier. Je l'ai rencontrée au centre franco-allemand.
- Tu les prends presque au berceau, maintenant.
- Non ! On a à peine vingt ans d'écart, c'est une fille très sportive et elle est craquante à souhait.
- Et elle aime les femmes comme toi... un peu « cuir » ?
- Oui, juste ce qu'il faut.
- Dis donc, Carmen, j'espère que tu n'as pas été trop sévère avec elle ?
- Non ! Juste une ou deux petites claques sur les fesses pour la mettre en forme, pas plus. À son âge il faut la ménager.

Brigitte pose le plateau pique-nique qu'elle avait préparé dans la cuisine puis s'assied tout en poursuivant la discussion :

- Tu sais que pour moi les femmes et les tapes sur les fesses ce n'est pas ma tasse de thé.
- J'ai tout mon temps pour te convaincre du plaisir de rosir délicieusement une jolie petite paire de fesses bien ronde.
- Oh ! Ce n'est pas demain la veille.
- Tu n'as toujours pas dragué un nouveau copain ?
- Ne t'inquiète pas, pour ça je sais faire et j'ai tout mon temps. Je ne veux plus d'aventure à la va-vite.
- Brigitte, après ces petits propos légers, au boulot !
- Mais en même temps on va se casser une petite croûte. J'ai une faim de loup.

Depuis longtemps Brigitte veut faire un atelier d'écriture où tout le monde serait à la fois auteur, correcteur, lecteur et critique. Elle connaît déjà une vingtaine de personnes intéressées :

- Comment vois-tu la chose, Brigitte ? Tu crois qu'on peut traiter tous les sujets ?
- Oui, si les textes ne sont pas trop longs. Dans un premier temps on pourrait se limiter aux textes historiques régionaux et aux aventures humaines.
- Tu ne penses pas qu'on pourrait aussi inclure des récits érotiques ?

Brigitte est stupéfaite par la proposition de son amie.

- Mais Carmen, tu plaisantes ? Tu imagines le maire de Saint-Cugnac, coincé comme pas quatre, mettre la médiathèque à notre disposition pour qu'on y débatte de sujets olé-olé ?
- Mais pourquoi pas, tout le monde voudrait participer à un tel club.
- Et les enfants ?
- On limite les textes érotiques aux plus de seize ans, comme pour les films.
- Même si c'est du léger-léger, Carmen, j'ai l'impression que ce serait le plus gros scandale de la ville et peut-être même du département.
- En tous les cas, Brigitte, ça remplirait complètement la bibliothèque. Tous les jeunes des lycées reprendraient le goût de la lecture et de l'écriture à la vitesse grand V. Les profs de français ne sauraient plus où donner de la tête.
- J'en parlerai à mots cachés à la responsable, mais je connais déjà sa réponse.
- Qui est la responsable ?
- Une certaine madame Dorelli.
- Je la connais, certains l'appellent « super trois en un » : super intelligente, super cultivée et super séduisante. Quand un homme lui plaît, elle fait comme moi avec les femmes, elle n'y va pas par quatre chemins. Elle n'a vraiment pas sa langue dans sa poche.

Carmen regarde quelques instants son amie avec le visage de quelqu'un qui va sortir un bon mot et qui a du mal à le cacher :

- Quand tu auras retrouvé un copain, tu auras intérêt à bien te le mettre de côté, sinon, si elle le trouve à son goût, elle aura vite fait de faire un petit test avec lui.
- Dans ce cas là je te demanderai un coup de main, lui donner une bonne fessée par exemple.
- Ne dis pas de bêtise, Brigitte, c'est tout à fait le genre de femme qui serait capable d'apprécier.
- Carmen, ne prends pas tes désirs pour des réalités.
- Mais revenons à notre sujet. Si on a le droit de faire des récits érotiques, je pourrais même en faire les illustrations.
- C'est vrai qu'en plus de tes talents d'écriture, tu es dotée d'un sacré coup de crayon et de pinceau.

La discussion sérieuse peut commencer. Les nouvelles érotiques seraient simplement des nouvelles sentimentales un peu osée, mais cela ne presse pas. Par contre, pour les récits historiques il serait sage de rechercher des appuis parmi certains habitués des médiathèques :

- Le temps passe trop vite, Brigitte. Je vais te quitter, il faut absolument que je sois rentrée avant six heures.
- C'est dommage, j'aurais bien été avec toi à la nouvelle médiathèque. Il y a beaucoup de gens qui s'intéressent à l'histoire régionale et ils se rencontrent aujourd'hui vers les six heures.
- Vas-y sans moi, ce sera pour toi un magnifique prétexte pour rencontrer ton futur prince charmant.
- Lâcheuse !
- Bisous et à plus.

Carmen se retire et Brigitte passe un coup de téléphone préparatoire à Danièle Dorelli. Comme on pouvait s'y attendre, elle se montre enthousiaste pour l'atelier d'écriture mais fait preuve d'une grande réserve sur les récits érotiques, tout en ne fermant pas complètement les portes à condition de trouver un mot plus consensuel.

3 : Les nouvelles historiques
(Mercredi vers 18 heures)

Alain Archet n'a pas encore trente ans. C'est un homme assez grand, soigné et plutôt décontracté. Célibataire, il a trois passions : son métier (ingénieur), les femmes dès qu'elles sont séduisantes et féminines, et l'histoire régionale.

Comme il le fait deux fois par semaine en début de soirée, Alain va à la médiathèque lire les revues nouvellement arrivées. Il en profite pour rédiger quelques pages historiques pour ses amis internautes.

Il est installé à une table de travail depuis un bon quart d'heure quand, tout d'un coup, la bibliothécaire qu'il connaît bien, l'interpelle et lui présente Brigitte Béranger.

Alain trouve d'entrée cette femme charmante, ses yeux magnifiques, son allure très féminine et sa voix très chantante. Après un exposé préliminaire, Brigitte lui propose de passer chez elle pour lui présenter plus en détail le projet d'atelier d'écriture qu'elle a commencé à mettre au point avec son amie Carmen.

Alain accepte avec plaisir, se disant qu'il ne faut jamais passer à côté d'une opportunité. De plus sa première impression est qu'il ne laisse pas cette femme à cent pour cent indifférente :

- J'habite le vieux village, ce n'est pas très loin d'ici, à cinq minutes à pied tout au plus.
- Un peu de marche nous permettra de mieux faire connaissance.
- Je vous remercie d'accepter mon invitation, ma fille est étudiante en lettres et elle ne va pas tarder à rentrer. Je suis toujours là quand elle arrive.
- Et sans indiscrétion quel âge a-t-elle ?
- Un peu plus de dix-huit ans, c'est sa première année de fac.

Brigitte habite une vieille maison vigneronne de village qu'elle a fait restaurer. Elle fait entrer Alain chez elle et l'invite à s'asseoir autour de sa grande table de salle à manger complètement envahie par les papiers qu'elle n'a pas eu le temps de ranger :

- C'est encore un peu en vrac, mais mon amie Carmen et moi, on vient juste de mettre à plat le projet.

Alain jette un coup d'œil autour de la pièce et aperçoit un ensemble de photos accrochées au mur. Il s'en approche et demande à Brigitte :

- En photo il y a une belle femme du sud à l'allure quelque peu autoritaire.
- Cette belle femme : c'est mon amie intime Carmen Cruzado.
- Il ne lui manque qu'un martinet ou un fouet à la ceinture pour en faire une vraie mère « fouettarde ».
- Ne vous inquiétez pas, c'est un genre qu'elle se donne, elle est à la fois peintre et écrivain. C'est une femme très sympathique et elle a le cœur sur la main.
- Je n'aimerais pas la rencontrer tout seul le soir, dans un endroit désert, sans avoir de quoi me défendre.
- Vous ne risqueriez rigoureusement rien car mon amie ne s'intéresse pas aux hommes ou si peu. Sur ce plan-là c'est l'inverse de moi, et pourtant nous sommes très intimes.
- Vous savez, je n'étais pas inquiet, je vous faisais simplement marcher sans aucune méchanceté.

Brigitte et Alain se mettent au travail. Alain trouve Brigitte de plus en plus séduisante. Il en a presque du mal à discerner tous les détails du projet tellement son esprit est ailleurs. Après une bonne heure de travail Brigitte s'inquiète que sa fille ne soit toujours pas rentrée :

- Ne vous inquiétez pas, Brigitte, il y a tellement d'embouteillage que c'est difficile d'être précis à la minute près.

Brigitte accepte l'explication, elle n'a pas le choix. Le travail repart, et un quart d'heure plus tard le téléphone mobile de Brigitte se met à sonner :

- Alain, je vous fiche mon billet que ma fille va dîner ce soir avec des amis et qu'elle ne me prévient que maintenant.

Eh non ! Que de mauvaises pensées ! La fille bien-aimée est tombée en panne d'essence à une dizaine de kilomètres et elle demande tout simplement à sa mère de venir la chercher.

- Alain, c'est nul ! Je suis furieuse. Comment peut-on tomber en panne d'essence aujourd'hui ?
- Brigitte, je vais vous faire une révélation : elle a oublié de mettre de l'essence dans son réservoir.
- Je m'en serais doutée.

Brigitte se lève, vérifie dans son sac qu'elle n'a rien oublié et s'adresse à Alain :

- Excusez-moi pour cet incident, je vais retrouver ma fille, je n'en ai pas pour bien longtemps, une demi-heure tout au plus. Attendez-moi ici, si vous avez le temps.
- Oui, une demi-heure c'est bon. Je vais jeter une idée ou deux sur le papier pour faire avancer le projet. N'oubliez pas de prendre un cubitainer de quelques litres et de passer dans une station-service pour apporter de l'essence à votre fille.
- Je suis idiote, j'allais complètement oublier. Je suis complètement perturbée par cette bêtise.
- Faites donner une fessée à votre fille par votre amie Carmen, cela lui remettra les idées d'aplomb.
- Quand même pas, je n'ai jamais donné de fessées à ma fille, elle est tout pour moi. Il y a d'autres punitions plus efficaces, l'argent de poche différé en particulier. Allez, à tout à l'heure.
- À tout à l'heure.

Brigitte est presque partie quand elle se retourne et fait une triple bise sur les joues à Alain :

- Vous êtes gentil de m'attendre. Ça me fait très plaisir, ce projet est très important pour moi.

Alain retourne voir la photo de Carmen. Il n'y en pas une mais plusieurs, et toujours avec cet aspect autoritaire, peut-être même sévère. Alain commence à être perturbé par cette femme. Il ressent un certain malaise. Il poursuit son petit tour du propriétaire et aperçoit un dossier en cours de préparation sur le petit bureau de travail de Brigitte. Il s'attend à voir des documents scolaires et quelle n'est pas sa stupéfaction de tomber sur un document intitulé : « Mon journal intime ». Il feuillette quelques pages au hasard et une première phrase attire violemment son attention :

Carmen s'approche de mon ami le fouet à la main, le coup part et le jeune homme pousse un cri presque inhumain...

Puis un peu plus loin :

Pendant que Carmen lui corrige ses fesses presque en sang, j'aspire tout son membre dans ma bouche pour que la douleur lui soit plus supportable...

Pour Alain, sa première impression était la bonne. Il pense qu'il n'a vraiment pas de chance d'être tombé chez des femmes sado-maso, plutôt sado que maso. C'est pour cela que Brigitte est venue le voir à la médiathèque, les récits historiques ne sont qu'un prétexte. Cette femme cache très bien son jeu, on en mettrait sa main au feu pour elle. Heureusement que sa fille a eu une panne d'essence.

Alain savait que depuis un certain temps des filles se faisaient droguer pour être violées ou violentées, eh bien aujourd'hui il lui semble qu'on pourrait l'envisager pour les jeunes hommes. Il est hors de question qu'il reste attendre le retour de Brigitte et de sa fille. Avant de partir, il jette un dernier coup d'œil sur la petite bibliothèque située à côté du bureau. De très nombreux petits livres et fascicules bien rangés lui confirment la douloureuse réalité : « Amour et martinet », « Carmen et le donjon », « L'éducation anglaise à 30 ans » et toute une série de « Confessions intimes »... Très ému et ses espoirs d'aventures amoureuses jetés aux oubliettes, Alain prend une petite feuille de papier et griffonne un petit mot à l'attention de Brigitte avant de s'en aller :

Je suis obligé de partir car je viens d'apprendre une nouvelle qui me bouleverse profondément.

Pendant ce temps, Brigitte est arrivée auprès de sa fille, son petit bidon d'essence à la main. Elle lui fait un peu la leçon mais lui pardonne à sa première excuse :

- Maman chérie, je passerai l'aspirateur à la maison toute la semaine pour me faire pardonner.
- Toute la semaine c'est beaucoup, mais une fois ce n'est déjà pas si mal.
- Tu es la meilleure des mamans, je t'adore.

Arrivée chez elle avec sa fille, Brigitte découvre le petit mot et le dit à sa fille :

- Alain vient de partir car il vient d'apprendre une très mauvaise nouvelle.
- Tu devrais lui téléphoner pour savoir de quoi il s'agit et le consoler, maman.
- Je ne connais pas son numéro de téléphone.
- On va le demander aux renseignements.
- Je ne peux pas, je ne connais que son prénom, pas son nom.
- Donc on ne peut pas le joindre.
- Je lui laisserai un message à la médiathèque.
- Maman tu ne trouves pas curieux de recevoir chez toi un homme dont tu ne connais rien ?
- Si, je sais qu'il aime écrire des petites histoires régionales.
- Tu me reproches souvent ma décontraction et mon insouciance, mais là, tu bats tous les records. C'est pour ça que je t'aime tellement, ma petite maman. Au fait, est-ce qu'il est mignon ?
- Oui, très mignon pour employer ton vocabulaire.
- Et craquant ?
- Oui, très craquant, ma petite chérie.

4 : La présidente est informée
(Jeudi vers 12 heures)

Alain a très mal dormi. Il n'a pas arrêté de penser à Brigitte et de retourner dans sa tête cette histoire de femmes sado-maso. Comment une enseignante à qui on donnerait au moins un « demi bon dieu » sans confession, comme le disait son père, peut-elle avoir de telles déviances. Drôle d'époque. Alain doit s'en ouvrir à la responsable du projet dont il ne connaît pas le nom. Il téléphonera tout à l'heure à la mairie.

Un peu avant midi, Alain appelle depuis son bureau le secrétariat de la mairie et demande à parler à la responsable du projet de cercle littéraire. Une femme à la voix très méditerranéenne lui répond :

- C'est Madame Danièle Dorelli qui gère ce projet. Elle sera dans nos locaux au service informatique vers quatorze heures. Vous pourrez la joindre directement en remplaçant les deux derniers chiffres du standard par le 37.

À l'heure prévue, le téléphone mobile d'Alain se met à sonner, la fonction de rappel automatique s'est mise en action. Au bout du fil une femme décroche avec une voix très calme et très sensuelle :

- Bonjour, Danièle Dorelli à l'appareil.
- Bonjour Madame, ici Alain Archer, je me permets de vous appeler à propos du cercle culturel que vous êtes en train de mettre en place...

Alain fait une description détaillée mais prudente des événements de la veille et de son départ un peu précipité de chez Brigitte Béranger.

- Monsieur Archer, cela ne vous ennuie pas que je vous appelle Alain ?
- Bien sûr que non.
- Eh bien voyez-vous, Alain, votre histoire ne m'étonne qu'à moitié.
- Ah ! Oui ?
- Figurez-vous qu'hier après-midi, j'ai reçu un grand coup de fil de Brigitte Béranger qui m'a fait part de son désir d'organiser un atelier d'écriture de nouvelles au sein du nouveau cercle. J'ai été bien sûr très enthousiaste à cette idée, mais à la fin de son exposé elle m'a parlé d'y introduire les récits érotiques, en m'expliquant par le détail que l'érotisme fait partie de la vie.
- Très curieux.
- J'ai aussitôt dit que je ne fermais pas la porte à des récits très sages, mais que le sujet dans sa globalité était assez risqué.

Alain a la confirmation de ses craintes. Il lui semble évident que l'atelier de nouvelles n'est qu'un prétexte à un atelier de récits érotiques, lui-même prétexte à un lieu de rencontre d'amateurs de cuir et de sensations cuisantes.

- Madame Dorelli...
- Je vous coupe, Alain, appelez-moi Danièle puisque nous participons au même projet.
- Parfait, Danièle. En attendant que cette affaire soit franchement mise au clair, je vous propose de créer avec votre aide un atelier de récits et de nouvelles à caractère historique régional.
- Voulez-vous passer chez moi ce soir ou demain pour qu'on puisse mettre au point le mode de fonctionnement de cet atelier ?
- Ce soir, c'est impossible, et pour demain soir c'est-à-dire vendredi soir, j'y mets une condition fondamentale.
- Une condition fondamentale... Mais laquelle ?
- Que vous me donniez votre adresse.
- Vous m'avez fait peur, mais c'est sans problème si vous avez de quoi noter.

Ce coup de téléphone confirme complètement Alain dans ses soupçons. C'est dommage Brigitte est une belle femme, très féminine et très bien bâtie. Il aurait bien passé quelques moments agréables en sa compagnie. Mais au final la plus à plaindre dans cette histoire : c'est sa fille étudiante. Elle est obligée d'être au courant des perversions de sa mère...

Le lendemain après son travail, Alain se rend directement chez Danièle Dorelli. Il fait comme au Monopoly, il ne passe pas par la case « Départ », c'est-à-dire la médiathèque. Cela n'a pas d'importance car il n'y avait pris aucun rendez-vous particulier. À son arrivée, Danièle Dorelli l'accueille avec beaucoup de chaleur :

- Nous allons nous installer autour de ma grande table de salle à manger, nous y serons mieux pour étaler nos papiers.

Alain s'installe et sort les documents qu'il a préparés. Il parle des récits qu'il a l'habitude d'écrire et de leur publication sur Internet. Le regard de Danièle avec ses grands yeux presque noirs l'impressionne fortement. L'allure générale très troublante de cette femme et sa poitrine qu'elle met parfaitement en valeur déclenchent chez Alain un sentiment de profond désir, presque irrésistible. C'est un véritable supplice de rester sage en passant toute une soirée avec cette femme. Sur ces entrefaites, Danièle le rappelle à la réalité :

- Alain, voulez-vous que je vous serve un apéritif avant de nous quitter ?
- Oui, si vous en prenez un avec moi.
- Que désirez-vous : pastis, muscat, whisky ou un bon rosé du Minervois ?
- C'est d'accord pour le rosé de nos ancêtres cathares.
- Vous pensez au siège de Minerve ?
- Oui, bien sûr.

Danièle part chercher la bouteille de rosé et sort deux verres. Alain ouvre la bouteille et fait le service en galant homme sans la quitter des yeux. C'est Danièle qui lève son verre en premier :

- Je bois à l'avenir du nouveau cercle et à notre collaboration.
- Et moi je bois à la beauté de sa présidente.
- Alain, seriez-vous en train de me draguer ?
- Comment dois-je prendre votre remarque ?
- Comme une simple constatation. C'est toujours agréable pour une femme de mon âge de s'apercevoir qu'on ne laisse pas indifférent un jeune ingénieur comme vous.
- Une jolie femme n'a pas d'âge.
- N'en rajoutez pas.
- Demain c'est samedi, si je vous invitais à dîner chez moi, sur ma terrasse en tout bien tout honneur, vous auriez tendance à dire oui, non ou peut-être ?
- Je vous répondrais tout d'abord que le « peut-être » n'est pas dans ma personnalité.
- Il ne reste alors que deux réponses possibles.
- Eh bien Alain, comme c'est en tout bien tout honneur, je vous dis oui avec plaisir. Mais dans ce cas, cesse de me vouvoyer.
- Tu aimes les huîtres accompagnées d'une bonne bouteille de vin blanc ?
- Qui n'aime pas ça dans la région ?

Tout d'un coup, Danièle se ravise :

- Alain, je ne pourrai pas venir chez toi demain avant neuf heures. Je dois assister à six heures et demi à une conférence publique au centre de conférences de Montpellier sur le soixantième anniversaire du déclenchement de la guerre d'Espagne. De nombreux spécialistes espagnols et catalans seront là.
- Je ne me souvenais plus que c'était demain soir.
- Tu veux m'accompagner ?
- Avec plaisir, on dînera ensemble chez moi après la conférence.
- Alors à demain.

5 : La conférence sur la guerre d'Espagne
(Samedi vers 18 heures)

Danièle et Alain se sont donnés rendez-vous à proximité de la salle de conférence vers six heures pour être sûrs d'être placés au plus près des conférenciers. Entre le grand nombre de personnes que connaît Danièle Dorelli et le nombre encore plus grand d'hommes qui se retournent sur son passage, c'est une mission impossible d'arriver discrètement à son bras sur les lieux. Enfin après un difficile parcours, ils se retrouvent tous les deux assis dans les premiers rangs entourés d'un cercle de connaissances.

Alain est en grande discussion avec ses voisins quand les conférenciers s'installent autours d'une grande table basse dans un brouhaha caractéristique des pays du sud. Soudain Danièle donne un petit coup de coude à Alain :

- Alain, ça va commencer, les deux présentatrices arrivent sur le plateau.
- Mais où ?
- Au fond à droite.
- Mais... c'est Brigitte Béranger et Carmen Cruzado son amie fouetteuse.

Brigitte avance avec beaucoup d'élégance. Elle est vêtue d'un petit tailleur noir très féminin qui met tout son corps en valeur et particulièrement ses jambes minces et élancées. Elle tient un micro sans fil à la main et se dirige sur le devant de la scène où elle prend la parole avec sa voix chantante si caractéristique :

- Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs, je m'appelle Brigitte Béranger et avec mon amie Carmen Cruzado, écrivain de langue maternelle espagnole, nous allons assurer la traduction en direct de cette table ronde pour les conférenciers ne maîtrisant pas la langue française. Je vais d'entrée faire les présentations en commençant par ceux de nos amis situés le plus à votre gauche...

Alain n'en revient pas, il est complètement retourné. Jamais cette Brigitte ne lui a paru aussi belle et aussi séduisante. Cette quadra dans la force de l'âge est vraiment irrésistible.

Danièle voit la surprise d'Alain et se penche à son oreille pour lui dire :

- Je suis plutôt contente de ce qui arrive, cela permettra de mettre les affaires au clair dès ce soir.
- Tu as raison.
- Je suis comme toi assez étonnée car cette femme a l'air d'avoir beaucoup de classe et son physique n'est pas celui d'une adepte du sado-masochisme.
- Tu sais, il ne faut jamais rien donner sans confession, ne serait-ce qu'un demi bon dieu.

La conférence se déroule très bien. Danièle est à nouveau très intéressée et donc très excitée. Elle prend la main d'Alain et la caresse avec douceur comme s'ils étaient des amants de longue date. Cette situation est loin de laisser Alain indifférent. La soirée risque d'être plus chaude que prévue. Entre Danièle et Brigitte, Alain ne sait plus où donner de l'imagination.

À la fin de la conférence, tout le monde se retrouve dans le hall d'entrée. Danièle part à la recherche des deux traductrices en laissant Alain avec un groupe d'amis. Quelques minutes plus tard, Alain l'aperçoit de retour en compagnie de Brigitte et de Carmen. Elles se dirigent vers lui. Son cœur bat à tout rompre. Une fois les trois femmes devant lui, Alain s'adresse à Brigitte :

- Bonsoir, Brigitte je suis heureux et surpris de vous voir là ce soir.
- Vous n'avez pas à être surpris, je fais souvent des traductions de conférences ou de récits pour mettre du beurre dans les épinards en fin de mois. Je vis seule et j'ai une grande fille étudiante à entretenir...

Et Alain de poursuivre :

- Et les études, cela coûte cher, tout comme la vie d'étudiante.
- Tout à fait.
- Et sans indiscrétion, ces traductions sont-elles intéressantes sur un plan strictement financier ?
- Non ! Ni les conférences qui demandent beaucoup de préparation ne le sont, ni les livres trop littéraires qui demandent trop de vérifications dans les dictionnaires spécialisés et ailleurs.
- Et alors, reste-t-il quelque chose intéressant de traduire ?
- Oui, et je vais beaucoup vous surprendre.

Danièle qui discutait de son côté avec Carmen pour se faire une idée précise sur cette femme somme toute très « cuir », intervient brutalement dans la discussion :

- Comme journaliste j'ai toujours une oreille qui traîne dans les discussions des autres. Alors, Brigitte, que reste-t-il intéressant de traduire ?
- Accrochez-vous bien : les récits érotiques.
- Les récits érotiques ? reprennent en cœur toutes les personnes présentes.
- Oui, les récits érotiques, leur traduction est immédiate. Avec un peu plus d'une centaine de mots spécialisés on peut traduire n'importe quoi. Et de plus quand il y a une erreur de traduction, « belles fesses » au lieu de « beau cul », il n'y a personne pour venir se plaindre. Ce genre de récit je les traduis en « deux coups de cuillère à pot » et c'est ce qui me rapporte le plus, et de très loin.
- Ça m'en bouche un coin, répond Alain avec une toute petite voix.
- Et en plus quand c'est un récit « très chaud » espagnol, je ne traduis pas les prénoms, mes héroïnes s'appellent systématiquement Carmen ou Maria, au grand dam de mon amie, car ce sont des prénoms bien connus des Français.

Et Carmen Cruzado de rajouter :

- Et plus encore, notre Brigitte nationale traduit le plus souvent le titres des nouvelles par « Journal » ou « Confession intime ».
- Ne me casse pas toute ma baraque, répond Brigitte, personne n'est censé le savoir.

En entendant cette dernière phrase, Alain rentre dans un état d'effondrement avancé. Il a tout simplement confondu une traductrice belle comme le jour et séduisante comme une sirène, avec une vulgaire femme sado-maso perverse prenant du plaisir à maltraiter de jeunes hommes. Quel manque d'expérience ! Pour employer une expression d'étudiant, il faut assainir la situation avec du D.D.T. : du doigté, de la diplomatie et du tact.

- Brigitte, je vous ai quittée un peu vite jeudi dernier parce que j'ai eu un problème... disons... délicat à régler. Je ne vous ai pas appelée car je n'avais pas votre numéro de téléphone et parce que je n'étais pas vraiment dans mon assiette. Aujourd'hui c'est heureusement réglé.
- Alain, nous pouvons reprendre le projet quand vous aurez le temps, cela me fera plaisir de travailler avec vous.
- Le plaisir sera partagé.
- Voilà ma carte de visite. Appelez-moi quand vous voulez sur mon mobile, vous serez sûr de me trouver.
- Échange de bons procédés, voici la mienne.

Pour Danièle, les soupçons étant désormais dissipés, ces quatre personnes réunies sont une opportunité :

- Brigitte, propose Danièle, voulez-vous venir demain après-midi chez moi avec votre amie Carmen et Alain, nous pourrons travailler à quatre sur le projet et peut-être le boucler.
- Pour moi c'est d'accord, répond Carmen, nous pourrons aussi parler de l'illustration des récits. Je suis aussi peintre, que diable.
- C'est d'accord pour moi aussi, dit Brigitte, mais je viendrai avec ma fille.
- Je vous accompagne toutes, reprend Alain.
- Maintenant je vous quitte, dit Brigitte, je vais rejoindre ma fille et ses amis. Je les ai invités au restaurant et j'adore faire plaisir à ma fille.

Danièle se retourne vers Alain et lui dit :

- Nous avons maintenant tout le reste de la soirée pour nous, rien que pour nous.

Danièle et Alain quittent le centre de conférence et se dirigent vers le parking. Danièle prend Alain par le bras en grande intimité :

- Te voilà rassuré maintenant.
- Très honnêtement, oui.
- Il aurait été dommage que Brigitte soit une sadique perverse, elle est beaucoup trop mère-poule, beaucoup trop féminine... et beaucoup trop séduisante.
- Tu as raison.
- Tu vas être un homme comblé, il n'y a que des femmes pour l'instant dans ce projet de cercle littéraire.
- Dont la plus belle et la plus désirable de Saint-Cugnac.
- C'est de moi que tu parles ?
- Tout à fait.
- N'oublie pas, Alain, que je ne suis plus à draguer, c'est déjà fait.
- Je vais te dire la plus grosse des bêtises que je n'ai jamais dites à une femme.
- Je t'écoute, à mon âge je commence à être blindée.
- J'ai tellement envie de toi que j'arracherais tous tes vêtements et je te violerais sur place, si je le pouvais.
- Alain, c'est ton jeune âge qui te rend impatient. Avant tu vas sagement me conduire chez toi dans ta voiture, nous allons déguster les yeux dans les yeux le dîner que tu m'as préparé, nous prendrons un dernier verre ensemble et puis après, et seulement après, nous nous confierons aux bras d'Eros en prenant tout notre temps. Je n'ai rien à mon programme demain matin.
- Moi j'ai quelque chose à mon programme : toi.

Fin

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