1.8.07

Trois infirmières en stage


Épisode n°1 : Une panne providentielle (1)

••• Le concert •••

Nous sommes à la fin du mois de mai 1984. Alain rédige son mémoire de fin d'études sur l'histoire régionale des sciences et des techniques. Le document final doit être prêt pour la mi-juin, c'est-à-dire dans moins de deux semaines. Mille pages de documents divers sont à ramener dans une centaine de pages tout au plus.

Il y a quelques années la tâche aurait été impossible, mais aujourd'hui avec la micro-informatique, qu'il est un des premiers de la fac de Montpellier à parfaitement maîtriser, le challenge est réalisable. Un ami de son père lui a prêté un magnifique IBM PC avec un bel écran vert et un double lecteur de disquettes, les nouveaux cinq pouces un quart. Le programme est sur une disquette, les données sur l'autre. Son seul problème c'est que tous les bouts de texte déjà saisis occupent vingt disquettes. Ah, s'il pouvait avoir le nouveau disque dur de 10 MO, les manipulations seraient beaucoup plus simples, mais c'est beaucoup trop cher. Même d'occasion on lui demande plus de dix mille francs (2 450 € base 2005, source INSEE).

Pour ne pas être dérangé dans son travail, une cousine de sa mère a mis à sa disposition à Mèze, en face de l'étang de Thau, un minuscule studio avec un coin-cuisine et une salle de douche. La pièce principale n'est pas bien grande : un faux lit deux places très étroit et quatre chaises entourant une table de salle à manger entièrement occupée par le micro-ordinateur, l'imprimante, le papier listing et les documents.

Comme tous les matins Alain quitte son studio vers huit heures pour acheter le journal local et prendre son petit déjeuner au café du coin. Il a volontairement laissé sa voiture chez ses parents pour n'être dérangé sous aucun prétexte. Il fait donc tous ses déplacements à pied. En arrivant chez le marchand de journaux il est salué par le patron en entrant :

- Bonjour, jeune homme, votre journal comme d'habitude ?
- Oui, bien sûr.
- Vous savez qu'il y a un beau concert à l'église ce soir ?
- Ah, non, pas du tout.
- Il y a le quintet « Musica viva » de Montpellier qui va jouer la truite de Schubert et certaines autres œuvres. Beaucoup de personnes vont y aller, c'est rare d'avoir un concert de cette qualité au mois de mai dans notre petite bourgade.
- Vous avez raison, ça me changera les idées, j'irai.
- Et votre rapport, il avance ?
- Oui, sauf incident majeur, je tiendrai facilement mes délais. C'est un peu normal, je mène ici une vie monacale.
- Alors à ce soir, c'est à huit heures et demie, n'arrivez pas en retard.
- À ce soir.

Le temps de prendre le petit déjeuner et de lire quelques lignes du journal, il est déjà neuf heures, l'heure de se mettre au travail. Le repas de midi, c'est le même tous les jours : du thon, une boîte de conserve de légumes et un yaourt, le tout avalé sur le pouce avec une bière. Le seul vrai repas, Alain le prend le soir, dans un petit bistrot face à l'étang. Il y mange bien et peut discuter avec la patronne et certains habitués avant d'aller se coucher.

Aujourd'hui c'est un peu différent. À six heures l'horloge interne de l'ordinateur se met à couiner. C'est l'heure de se préparer. Alain prend une douche et met des vêtements plus soignés pour se rendre au concert. Vers sept heures il quitte son studio. Il presse un peu le pas pour se rendre à son petit restaurant, salue la patronne et lui demande d'entrée :

- Ce soir il faut absolument que je sois parti avant huit heures, je vais à un concert à l'église.
- Ne vous inquiétez pas, ils attendent toujours que tout le monde soit entré avant de commencer. Installez-vous à votre table habituelle, je vais vous servir.

Le repas terminé Alain salue la patronne et se dirige vers l'église. Elle est à quelques minutes à pied. En arrivant devant le porche, Alain est content d'avoir pris ses précautions. Il y a au moins une centaine de personnes qui font la queue pour prendre leur billet. Mais tout se passe bien, l'ambiance est décontractée. Étant seul, Alain réussit à s'asseoir dans les premiers rangs.

La première partie du concert se termine, c'est le moment de l'entracte. À la droite d'Alain, trois femmes d'âges très différents parlent entre elles dans une langue qui ressemble à de l'allemand. Alain est surpris car en mai on est très loin de la période touristique. Il s'adresse à sa voisine la plus proche en lui demandant :

- Bonsoir Mademoiselle, vous parlez aussi français ?
- Oui, bien sûr, répond la jeune femme avec un accent belge très prononcé.

Compte tenu de l'accent, Alain imagine de suite que ces trois femmes parlent en flamand :

- Je crois comprendre que vous êtes belge et que vous parlez en flamand.
- On ne peut rien vous cacher.
- Sans indiscrétion, que faites-vous à cette époque dans cette petite ville perdue au bout de l'étang de Thau ?
- Comme vous, nous assistons à un concert.

À ce moment les deux autres femmes se lèvent :

- Mes amies vont prendre un verre sur le parvis de l'église, il fait très chaud. Vous venez avec nous ?
- Allez-y, je vous suis.

Devant l'église une petite buvette a été installée ainsi que des projecteurs qui éclairent comme en plein jour. On y trouve des boissons fraîches et quelques amuse-gueules. Comme toujours en ces occasions il faut faire la queue pour être servi. C'est le bon moment pour se présenter. Alain prend la parole en premier :

- Je m'appelle Alain, j'ai 25 ans, je suis célibataire, je suis étudiant et je termine un mémoire de fin d'études sur l'histoire régionale des sciences.

La jeune femme avec qui Alain a commencé la discussion est mince, souriante, des yeux bleus vifs et des cheveux châtains clairs assez longs. Elle est vêtue d'une très longue robe gitane qui lui donne une silhouette très décontractée. C'est la première des femmes à prendre la parole :

- Vous habitez cette petite ville ?
- Non ! Comme elle est loin de tout, je m'y suis volontairement isolé pour rédiger mon mémoire.
- À mon tour de me présenter. Je m'appelle Marie-Ange, j'ai 22 ans, je suis comme vous célibataire, je suis née à Bruxelles mais je travaille comme infirmière avec mes deux collègues dans un hôpital près d'Anvers, en Belgique flamande.

La seconde femme est fort différente. Elle a des cheveux bruns mi-longs qui descendent aux épaules, des yeux noisette et un physique tout en rondeur. Assez réservée, elle est vêtue d'un pull assez ample et d'un pantalon visiblement un peu trop serré. Elle se présente à son tour dans un français très correct mais qui n'est visiblement pas sa langue maternelle :

- Moi, mon prénom est Inga, j'ai 32 ans, je suis mariée avec un homme de commerce et j'ai un garçon de 10 ans qui est à l'école. Je suis d'Anvers, mais j'ai aussi de ma famille à Bruxelles.

La troisième femme est encore différente. Un peu plus petite que ses deux amies, elle paraît plus âgée. Ces cheveux blonds très clairs sont très courts et coiffés à la garçonne. Ses yeux bleu pâle lui donnent un regard romantique un peu triste. Elle est impeccablement habillée avec un tailleur bien ajusté mettant bien son corps en valeur. Sa jupe s'arrêtant un peu au-dessus du genou accentue son élégance et sa féminité. Elle semble hésiter à se présenter elle-même tant son français est peu assuré.

- Mon prénom c'est Anna. J'ai presque deux fois l'âge de Marie-Ange, je suis de Hollande, je suis infirmière de surveillance avec mes amies, j'ai un gentil mari et deux enfants moyens, excusez mon français, il est pas très bon

Voyant l'embarras d'Alain devant les propos d'Anna, Marie-Ange, donne des explications sur la lancée :

- Anna voulait dire qu'elle est vraiment mariée et qu'elle a deux enfants d'âge moyen, c'est à dire qui ont entre quinze et vingt ans. C'est une expression hollandaise, je crois.
- Pourquoi dit-elle qu'elle est vraiment mariée ?
- Parce que la plupart des femmes de son âge sont mariées, ce qui n'est plus le cas des femmes plus jeunes qu'elle, même quand elles ont des enfants.

Les présentations faites, les trois femmes expliquent à Alain qu'elles sont en stage pour huit semaines à l'hôpital de Béziers dans le cadre d'un échange européen de personnel hospitalier et qu'il leur reste encore cinq semaines à faire. Aimant toutes les trois Schubert, elles sont venues à ce concert dans la voiture d'Anna.

La discussion bat son plein. Marie-Ange a l'air heureuse de pouvoir parler d'un peu de tout. Elle joue quasiment tout le temps les interprètes pour Anna qui, sans elle, aurait du mal à suivre la discussion. Inga, la brune un peu ronde, participe mais reste quand même un peu en retrait. Pour Alain, peu importe, tout le monde n'a pas la même personnalité. Il se met à parler du dernier concert auquel il a assisté à Montpellier :

- Le mois dernier, pour mon anniversaire, je suis allé à un concert d'orgues à la cathédrale de Montpellier.
- « Vous êtes de quel signe, lui demande Inga ? »
- Bélier, je suis né un 3 avril.
- Alain, est-ce que vous croyez, aux coïncidences, demande Marie-Ange ?
- Euh, oui et non, ça dépend. Pourquoi cette question ?
- Nous sommes nées toutes les trois au mois d'avril, nous sommes bélier comme vous et nous avons exactement dix ans d'écart entre nous... à deux ou trois jours près.
- Et en plus nous avons exactement 5 cm de différence de taille, poursuit Inga. Comme vous pouvez le voir, je suis au milieu, Marie-Ange est la plus grande et Anna la plus petite.
- Et vos cheveux s'échelonnent de vingt en vingt centimètres, dit Alain quelque peu amusé.

Puis après quelques secondes il poursuit :

- Par contre, si vous êtes bien différentes en âge, en taille et en cheveux, vous êtes toutes les trois plus jolies les unes que les autres.
- Les Français ne peuvent pas s'empêcher de faire des compliments, lui répond Marie-Ange.
- C'est plutôt une flatterie gentillette, poursuit Inga.
- N'oubliez pas que nous sommes des femmes avec mari, arrive à placer Anna après plusieurs secondes de réflexion.
- Vous deux, oui ! Mais pas moi, réplique Marie-Ange.
- C'est vrai que tu as encore beaucoup de temps avec toi, confirme Inga.

Les trois femmes sont d'excellente humeur et commencent même à s'aventurer sur des chemins plus légers. Mais comme toute chose, les entractes ont une fin. Un des organisateurs de la soirée brandit une clochette d'église et la fait tinter, c'est la reprise du concert.

Pendant toute cette deuxième partie, Alain pense à ces trois femmes. Cela fait plus de trois semaines qu'il n'a pas fait un gros câlin avec une femme. Il trouve que chacune des trois a son charme propre. Marie-Ange, la plus jeune des trois, a pour elle sa jeunesse et son dynamisme. Si elle fait aussi bien l'amour qu'elle est vive d'esprit et qu'elle a de fraîcheur de vivre, ce doit être remarquable. Inga, la brune, a l'air plus réservée et est mariée. Mais ses rondeurs très modérées ont plus que leur charme. Ajouté à cela que très souvent les femmes qui paraissent réservées à l'extérieur, le sont beaucoup moins dans l'intimité, ce devrait être un bon parti. Quant à la troisième, faire l'amour avec une femme dans la force de l'âge qui a l'habitude de diriger, ça peut-être aussi extrêmement chaud.

Alain est encore dans ses pensées quand il en est sorti brutalement par les applaudissements nourris des spectateurs. Cette dernière heure il ne l'a pas vu passer. Rêver et fantasmer pendant un concert sur trois femmes assises à ses côtés et plutôt jolies, n'est pas désagréable. C'est maintenant le bruit des chaises qu'on déplace et des spectateurs qui s'en vont.

- Alain, vous voulez rester dans l'église, demande Marie-Ange ?
- Non, je vais faire comme tout le monde, je vais rentrer. Je pense encore à la musique, ce jeune orchestre est vraiment sensationnel.
- Oui, mes collègues et moi nous avons beaucoup aimé.

Arrivé devant le porche de l'église Alain demande à Marie-Ange, son interlocutrice habituelle :

- Où vous êtes-vous garées ?
- Dans une petite rue derrière.
- Alors je vais vous accompagner.

Alain ne voit pas comment il va pouvoir revoir l'une ou l'autre de ces charmantes infirmières. Il n'a pas de voiture sur place et surtout il doit finir son rapport. De plus Béziers n'est pas tout à côté par les transports en commun.

« Et bien tant pis, se dit-il... et puis non c'est trop bête, se reprend-il, il faut que je leur demande le numéro de téléphone de l'hôpital, je me débrouillerai après comme je pourrai pour le transport. »

Arrivé devant la voiture, Alain demande à Marie-Ange, comme si de rien n'était :

- J'aimerais bien vous revoir toutes les trois avant votre départ pour passer une après-midi ou une soirée ensemble... si cela vous fait plaisir, bien entendu.

Les trois femmes se concertent en flamand et Marie-Ange en porte-parole répond :

- Je vous note nos noms et le numéro de téléphone du standard de l'hôpital. Vous prendrez rendez-vous avec nous pour faire un petit tour dans la région.
- C'est d'accord. Je vous fais la bise avant de vous quitter.

Les trois femmes embrassent Alain mais Marie-Ange le fait de manière plus affirmée en chuchotant discrètement :

- À bientôt, n'oubliez pas que le train, ça existe aussi.

••• La panne •••

Une fois dans la voiture, Anna prend le volant, allume ses feux qui semblent un peu faiblards et au moment du démarrage, plus rien, si ce n'est un grand silence. Alain pense aussitôt qu'elles ont laissé les lumières allumées et que la batterie est à plat :

- Descendez, on va pousser la voiture, votre batterie est à plat.

Puis en s'adressant à Anna tout en montrant du doigt le capot du moteur :

- Ouvrez, je vais jeter un coup d'œil sous le capot.

Alain se penche et découvre immédiatement l'étendue du problème. C'est la courroie de l'alternateur qui est cassée. La batterie qui ne se recharge plus s'est vidée en partie à l'aller, le coup de démarreur a fait le reste. Sans nouvelle courroie, la voiture est immobilisée. Alain explique la situation à Marie-Ange pour qu'elle en fasse la traduction à Anna :

- Demandez-lui si un voyant ne s'est pas mis au rouge.
- Si, nous l'avons toutes vu, un voyant rouge qui s'allume au ralenti est resté allumé après notre départ.
- C'est le voyant de charge. Et bien maintenant vous en êtes quitte pour attendre demain matin neuf heures l'ouverture du premier garage pour acheter une courroie. En attendant, il vous faut trouver un coin pour dormir.
- La voiture est trop petite pour nous trois. Y a-t-il un hôtel ?
- Un seul à cette saison, je vais vous y conduire.
- Il est loin d'ici ?
- Non à deux ou trois minutes à pied. Le seul problème c'est qu'il est tout petit et souvent complet.

Alain part avec les trois infirmières en direction de l'hôtel pour découvrir, ce qui était prévisible, qu'il est complet et ce jusqu'à la fin de la semaine.

- Que peut-on faire, demande Marie-Ange ?
- Il vous reste l'église ou les bancs publics.
- Vous n'êtes pas un garçon drôle, lui lance Inga.
- Je peux vous inviter chez moi, mais c'est un minuscule studio.
- Le choix, c'est la rue, la voiture ou chez vous ? Donc on vous suit. Au moins, il y aura des toilettes.
- Et même une petite douche...

Alain est à la fois content et inquiet, il ne voit pas comment il va faire dormir tout ce petit monde dans son studio. Le lit ne fait que deux petites places, deux personnes vont être obligées de coucher à même le sol, sur le carrelage. Par courtoisie il va devoir donner son lit aux deux femmes mariées et en conclusion il va coucher par terre sur une couverture avec Marie-Ange. C'est tout simplement passer du fantasme au cauchemar. C'est vrai qu'il y a aussi la possibilité de dormir sur une chaise la tête sur la table. Dans tous les cas, c'est loin d'être le summum.

••• Le studio •••

Après une petite dizaine de minutes de marche à pied, le groupe des quatre arrive devant la porte du studio, il n'a jamais paru aussi petit à Alain :

- Il y a quatre chaises, une par personne.

Les trois femmes s'assoient.

- Pour reprendre nos esprits, je peux vous offrir un verre de vin blanc frais.
- Avec plaisir, répond Marie-Ange, au nom des trois femmes.

Alain reste pensif mais tout d'un coup il s'écrie :

- Je sais comment on va dormir presque confortablement.
- Comment, demande Marie-Ange ?
- C'est simple, on va dormir sur le dos en travers du lit en posant chacun nos pieds sur une chaise. On sera un tout petit peu serré, mais c'est de loin la solution la plus confortable.

Les trois femmes regardent Alain et acceptent cette solution avec un grand sourire :

- Je prends la place près du mur déclare Marie-Ange, ça ne me dérange pas.
- Moi à l'autre bout, dit Anna, à côté Inga.

Alain regarde les trois femmes en souriant et déclare :

- Si j'ai bien compris, je vais dormir entre Marie-Ange et Inga.
- Oui, c'est ça, répond Marie-Ange.
- C'est bien ça, enchaîne Inga.
- J'ai deux grands pyjamas à vous prêter. Je pense qu'il en faut un pour Anna sinon son tailleur sera bon pour le pressing et qu'il en faut un pour vous, Marie-Ange, sinon votre robe va être toute chiffonnée. Inga est condamnée à rester avec son pantalon de toile et son pull. Moi je vais dormir en boxer short.
- Vous avez raison, répond Inga, mon pantalon est en synthétique, il se froisse peu. Je le desserrerai pour dormir.

Alain se lève, sort un pyjama d'un placard et l'offre à Anna, il donne ensuite son propre pyjama à Marie-Ange.

- Avez-vous des serviettes de toilette, demande Marie-Ange ?
- Je n'en ai que deux pour vous trois, une très grande pour la douche et une normale.
- Ce n'est pas grave, nous nous débrouillerons entre nous.
- Vous pouvez vous déshabiller et vous laver dans la salle de douche, vous pourrez mettre ensuite vos vêtements sur un cintre dans le placard.

Anna part se déshabiller en premier. Elle prend une petite douche et revient dans le pyjama d'Alain qui est particulièrement long pour elle.

- Fais des revers aux manches et aux jambes, dit Marie-Ange à Anna, tu as l'air d'un clown.

Les trois femmes partent dans un grand éclat de rire. Puis c'est au tour d'Inga de se diriger vers la salle de douche pour faire sa toilette suivie de Marie-Ange. Alain positionne les chaises sur le côté du lit et teste la position qui, finalement, ne lui paraît pas trop inconfortable. Tout le monde étant prêt, il s'adresse aux trois femmes :

- On mettra une couverture sur nous pour ne pas avoir froid cette nuit.

Inga sortant de sa réserve répond :

- Il n'y a pas de problème, Alain, nous nous tiendrons chaud tous les quatre.

Alain donne les derniers conseils :

- Anna, c'est à vous d'éteindre la lumière.
- Ne violez pas les femmes, s'il vous plaît, la nuit, lui répond-elle avec un petit sourire.
- Vous êtes trois, je suis seul, vous ne risquez pas grand-chose.
- Vous pensez que c'est vous qui avez le plus à craindre, demande Marie-Ange ?
- Non, et je vous dis bonne nuit à toutes les trois.
- Bonne nuit Alain, répondent les trois femmes en cœur.

••• Sur le lit •••

La lumière est éteinte, le groupe des quatre est enfin installé, les pieds sur les chaises et la grande couverture sur eux. Marie-Ange est la seule à se mettre sur le côté, elle a le dos au mur face à Alain. Les trois autres sont sur le dos, la tête sur un coussin et les yeux fixés au plafond. Inga, un peu à l'étroit dans son pantalon, a enlevé sa ceinture et l'a largement ouvert en défaisant toutes les attaches sur le côté.

Alain écoute la respiration des trois femmes, il a de moins en moins envie de dormir. Mais que peut-il faire ? Surtout pas de scandale. Il n'a aucune expérience de ce genre de situation. En deux mots : il est dans l'inconnu le plus total.

« C'est dans les situations difficiles qu'on reconnaît les grands hommes, se met-il à penser ».

Anna est à l'extrémité du lit donc rien n'est à envisager avec elle. Inga est tout habillée à côté de lui à sa gauche mais c'est la plus réservée des trois. Marie-Ange est à sa droite, elle vient de se tourner sur le côté et le regarde. Ses deux jambes sont repliées. Avec sa main droite, il ne pourrait caresser que le dessus de sa cuisse accessible ou une fesse, à quelques minutes de l'extinction des lumières c'est quand même très risqué. À prendre une « veste », autant la prendre le plus tard possible. Marie-Ange est quand même la plus décontractée des trois, c'est elle qui lui a parlé du train, il ne doit pas la laisser totalement indifférente. Mais, décontractée pour décontractée, il faut peut-être attendre que ce soit elle qui fasse le premier pas.

Inga bouge un peu son corps pour se mettre dans une meilleure position, plus confortable. À cette occasion sa main effleure très légèrement celle d'Alain. Il profite de cette opportunité pour accentuer le contact, mais en toute délicatesse, sans exagération. Il fait en sorte qu'Inga puisse facilement écarter sa main, mais elle ne le fait pas.

À cet instant, Alain comprend que tout devient possible en respectant des règles du jeu qui reste encore à élaborer. Le silence, l'absence de parole, le doigté et la subtilité en font partie. Sa première initiative est de caresser la main d'Inga, délicatement, sans ambiguïté mais surtout sans faire bouger la couverture pour ne pas éveiller le moindre soupçon chez les deux autres femmes.

Alain est dans une situation presque irréelle, la femme qu'il pensait très réservée ne réagit pas, elle se laisse faire. Elle répond subrepticement avec ses doigts, c'est un encouragement. Mais que veut-elle réellement ? Jusqu'où veut-elle aller ? C'est l'inconnu pour l'instant.

Le silence et l'obscurité devraient être profonds mais Alain n'imaginait pas qu'on pouvait y voir aussi clair, en pleine nuit, quand les volets sont fermés et les rideaux tirés. Il ne pensait pas non plus que le silence fût aussi bruyant. Bouger une main, changer sa respiration sont des exercices peu discrets, mais se retourner est un exercice de haute voltige, difficile à réaliser sans attirer l'attention de tout le monde.

En fait, tous les sens sont en éveil. Tout le monde essaye de détecter : les tentatives des uns et la réaction des autres, les succès et les échecs, les sensations et l'art de les camoufler, ou plus précisément comment faire mentir le bruit pour se tirer d'affaire. Alain devient persuadé que cette situation appelle au plaisir, un besoin de plaisir très fort mais caché, un besoin de plaisir que personne n'osera avouer, un plaisir qui sera nié au réveil mais qui fera des envieux et des frustrés.

Alain lâche la main d'Inga pour s'aventurer vers son ventre et son nombril. Là c'est elle qui emprisonne la main d'Alain, mais sans la retirer. Alain essaye de remonter plus haut vers la poitrine mais sa main est bloquée, en douceur. Il insiste mais une barrière invisible l'empêche de passer. Alain fait redescendre doucement sa main et Inga l'accompagne sans entraver ses mouvements. Pourquoi cherche-t-elle à protéger sa poitrine, c'est un mystère qu'il a toute la nuit pour tenter de le résoudre.

Le ventre d'Inga est l'objet de petits tremblements presque imperceptibles. Pour Alain c'est un encouragement à la découverte du corps de cette femme réservée et étrange, ce corps à la peau si douce. Alain continue sa descente en direction des cuisses, Inga l'accompagne en caressant sa main avec une grande sensualité. Son pantalon, largement ouvert n'est plus une barrière, pas plus que sa petite culotte, c'est au contraire une incitation à l'exploration. En arrivant près des zones les plus sensibles, Alain tourne légèrement sa tête vers Inga qui le regarde brièvement et ferme les yeux. La main d'Inga devient plus directive, son besoin d'aller vers le plaisir se fait de plus en plus pressant. Alain a quelques difficultés à se frayer un passage, Inga le sent et écarte ses cuisses du maximum qu'elle peut sans éveiller l'attention d'Anna.

Alain tourne légèrement sa tête de l'autre côté vers Marie-Ange, elle lui sourit très discrètement en mettant un doigt sur sa bouche pour lui faire comprendre qu'elle veut rester discrète. Elle fait un bisou silencieux sur l'épaule d'Alain avant de se blottir discrètement contre son cou et de reposer sa main sur son autre épaule. Le corps de Marie-Ange est maintenant en contact direct avec celui d'Alain. Seul le pyjama les sépare.

Inga ne réagit pas et continue à se laisser faire, Marie-Ange visiblement trop préoccupée à rester discrète ne se doute toujours de rien.

Alain accentue ses caresses. Inga parvient de plus en plus difficilement à maîtriser sa respiration et les contractions de son corps. Elle fait des efforts pour dominer les mouvements de ses jambes mais donne involontairement un petit coup avec son pied à Anna qui manifeste son mécontentement par un petit grognement d'insatisfaction, puis se tourne sur le côté pour faire dos à Inga. Puis la délivrance tant attendue arrive, l'onctuosité de la zone de plaisir d'Inga montre que l'objectif a été atteint. Inga tourne brièvement sa tête vers Alain et pour la première fois lui fait un très discret sourire de remerciement. Immédiatement après, elle l'incite à retirer sa main pour la poser sur sa cuisse.

En tournant la tête Inga a forcément vu que Marie-Ange était allongée sur le coté et blottie contre Alain, mais elle a fait comme si de rien n'était.

Avec des mouvements très lents, pour ne pas faire bouger la couverture Marie-Ange déboutonne sa veste de pyjama pour que son ventre et ses seins soient en contact direct avec le torse d'Alain. Les conséquences sont immédiates. Alain est pris d'une très violente érection, à la limite de la douleur, sa respiration change imperceptiblement de rythme, mais suffisamment quand même pour que ses deux voisines s'en aperçoivent.

Marie-Ange descend sa main le long du ventre d'Alain et l'insinue dans son boxer short. En retour Alain pose sa main restée disponible dans le creux des reins de Marie-Ange, à même sa peau et la fait lentement descendre vers ses fesses.

L'excitation d'Alain atteint son paroxysme. Inga le sent. Elle caresse sensuellement la main d'Alain qui serre sa cuisse de plus en plus fort. Elle sait qu'il ne va pas tenir beaucoup plus longtemps.

Marie-Ange fait comprendre à Alain qu'il faut qu'il soulève ses fesses pour qu'elle puisse baisser son boxer short et lui laisser plus de liberté pour la suite des opérations.

Alain n'en peut plus, caresser en même temps la cuisse d'une femme avec une main, et les fesses de l'autre femme avec l'autre main, ne lui était jamais arrivé. Son seul souci est de ne pas faire de bruit, de ne pas réveiller Anna et de faire en sorte que Marie-Ange ne découvre pas sa presque intimité avec Inga.

Alain sent qu'il va bientôt jouir, il essaye de maîtriser sa respiration, Inga lui caresse toujours très sensuellement le dessus de la main pendant que Marie-Ange accélère ses mouvements sur sa partie virile. Elle va presque trop vite et soudain Alain se soulage. L'instant est délicieux, il sent un bien être profond. Marie-Ange recueille tout son plaisir dans sa main.

Étant en bout de lit elle se lève en refermant comme elle peut sa veste de pyjama et se dirige vers la salle de douche. Elle y reste quelques instants, fait semblant de se moucher discrètement, toussote un peu et revient avec quelques mouchoirs en papier. Pendant ce temps Inga tourne sa tête vers Alain, lui sourit à nouveau avec un air complice et retire la main de sa cuisse pour la porter à ses lèvres et l'embrasser très sensuellement.

À son retour Marie-Ange ne voit rien, Inga est sur le dos les yeux fermés et la main d'Alain confortablement installée sur sa cuisse. C'est vraiment la spécialiste du faux semblant.

Marie-Ange se recouche, avec dextérité elle enlève son bas de pyjama et écarte les pans de sa veste. Elle se blottit contre l'épaule d'Alain et lui chuchote à l'oreille :

- Je ne veux pas qu'un bout de tissu nous empêche de faire l'amour. On va attendre que les deux mères de famille soient profondément endormies, on a toute la nuit pour nous, rien que pour nous.

Alain fait comprendre à Marie-Ange, par une petite pression sur ses fesses, qu'il faut qu'elle se remonte un petit peu pour que son onctueux minou vienne confortablement à portée de main. Marie-Ange y parvient tant bien que mal. Bien sûr Inga a encore tout entendu et le fait comprendre à Alain avec ses caresses sensuelles sur la main.

Alain commence à caresser Marie-Ange qui est en eaux. C'est vrai que la situation est particulièrement originale et chaude.

Pendant qu'il fait connaissance avec les zones les plus sensibles de Marie-Ange, Alain essaye de partir avec son autre main à la découverte du haut du corps d'Inga. Mais comme précédemment, arrivé au niveau du nombril : impossibilité d'aller plus loin. C'est semble-t-il une interdiction absolue. La poitrine d'Inga ce sera pour une prochaine fois, si prochaine fois il y a.

Mais Inga n'a certainement pas été rassasiée par les premières caresses. Avec sa main elle a vite fait de faire comprendre à Alain qu'une deuxième fois ne serait pas de trop. Feignant de se repositionner plus confortablement sur le dos elle parvient très discrètement à baisser suffisamment sa culotte et son pantalon pour que la main d'Alain puisse partir une deuxième fois, avec l'espace et tout le confort possible, à l'exploration de ses parties les plus intimes.

Marie-Ange de son côté ne doit pas être très loin du moment ultime. Elle écarte au maximum ses jambes, côté mur, pour qu'Alain ait un minimum d'entrave pour parfaire son travail.

Marie-Ange et Inga jouissent à quelques minutes d'intervalle, Inga toujours aussi discrètement en premier, Marie-Ange beaucoup moins en second. Si Anna a le sommeil léger, elle va forcément profiter en direct des ébats entre la jeune Marie-Ange et le jeune Alain.

Marie-Ange est trop excitée et tient difficilement en place. Son corps est parcouru par une multitude de petites contractions qu'elle ne parvient pas à contrôler et qui se transmet aux deux autres femmes par l'intermédiaire de la couverture et du lit.

Pour Alain, la solution la plus sage pour calmer Marie-Ange, est de se mettre sur le côté face à elle et de la prendre dans ses bras. Il se trouve donc dans l'obligation de reprendre l'usage de sa main gauche et d'abandonner provisoirement la cuisse d'Inga.

En voyant Alain sur le côté, Marie-Ange devient rayonnante, elle a envie de lui parler, de le caresser, de l'embrasser. Avec son doigt Alain lui fait comprendre que si la parole est d'argent, le silence est d'or. Le silence doit donc s'imposer.

Alain pose ses lèvres sur celles de Marie-Ange. Il s'ensuit un baiser passionné. Se pose après le problème le plus crucial. Comment faire l'amour sans éveiller trop de soupçons du côté des deux femmes mariées, principalement Anna. Pour Alain il n'y a pas de solutions miracles. Si Anna a le sommeil un peu profond, elle n'en saura rien. Par contre, il n'en est pas de même avec Inga. Comment éviter de lui donner un fougueux coup de fesses dans les moments où il est difficile de se contrôler. La solution est peut-être de la mettre dans le coup, sans le dire à Marie-Ange.

Alain va rechercher la main d'Inga et la pose sur ses fesses. Elle semble apprécier cette initiative tout en faisant semblant de dormir profondément.

Pour faire l'amour face à face, Alain demande à Marie-Ange de mettre ses pieds sur sa chaise à lui pour qu'il puisse glisser ses jambes entre les siennes. Il posera alors ses pieds sur sa chaise à elle. Pourquoi faire simple et discret quand on peut faire compliqué. On ne peut pas dire aussitôt dit, aussitôt fait. Il serait même judicieux de dire qu'ils y parviennent après de laborieux efforts mais sans dégâts sonores apparents. La pénétration aussi est un peu chaotique, mais vu l'état d'excitation des deux partenaires, le problème se règle quand même assez vite.

Marie-Ange est tellement excitée qu'on devine venir un orgasme qu'on pourrait qualifier de précoce. C'est vrai que la première série de caresses n'a pas eu l'effet calmant escompté, même à titre provisoire. On pourrait parler au contraire de surexcitation.

Inga sent venir le problème du plaisir de Marie-Ange arrivant bien avant celui d'Alain. Ne pouvant pas piloter le plaisir de son amie, elle décide de donner un coup de pouce à celui de son jeune voisin.

Pendant qu'Alain est en train de prouver sa virilité et sa passion à Marie-Ange, Inga retire sa main des fesses d'Alain, la glisse entre ses cuisses et lubrifie trois de ces des doigts avec l'onctueuse liqueur du plaisir qu'elle a eu quelques instants auparavant.

Elle peut ensuite positionner sa main entre les fesses d'Alain, titiller délicatement sa petite rondelle qui n'offre plus qu'une résistance symbolique et faire rentrer un premier doigt en douceur, au plus chaud de son corps. Alain réagit en contractant ses fesses. Il ne pensait pas que cette femme qui interdit pour l'instant l'accès à sa poitrine, se montrerait suffisamment téméraire pour prendre une part active à son plaisir en jouant du côté réservé.

Marie-Ange va exploser. Pour éviter de crier, elle se précipite sur la bouche d'Alain pour l'embrasser avec fougue. Son corps est pris de soubresauts qui ébranlent tout le lit et, bien évidemment, la couverture qui recouvre le groupe des quatre.

Inga veut faire jouir Alain au plus vite pour retrouver plus de calme et de sérénité, et que le silence redevienne réellement du silence. Elle augmente l'amplitude de ses mouvements et décide d'introduire un deuxième doigt. Pour Alain la sensation devient trop forte et l'effet immédiat. Il lâche presque aussitôt ses grands jets de plaisir au plus profond du ventre de sa nouvelle amante.

« Bien joué, Inga, se dit-il »

Les deux corps sont maintenant détendus et la suite de la nuit va pouvoir être plus calme.

- C'était merveilleux, dit à voix très basse Marie-Ange.
- Pour moi aussi, lui répond Alain. Maintenant je vais me retourner pour dormir sur le dos
- Et moi je vais dormir, blottie dans ton cou.

Alain se remet sur le dos et s'endort avec une main entre les cuisses d'Inga et l'autre main sur les fesses de Marie-Ange qui semble n'avoir rien découvert. La suite de la nuit se passe sans encombre.

À suivre...

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