2.9.07

Le jeune étudiant et les bobineuses de Dumarez


Épisode n°3 : Une galéjade bien montée (1ère partie)


••••••

Un (du latin « unus ») : peut désigner l'unicité, qui est seul, non associé à un être ou une chose.
Galéjade (du provençal « galejada ») : plaisanterie, canular, blague, farce, mystification...
Bien (du latin « bene »), d'un point de vue qualitatif : qui implique un haut degré d'excellence.
Monter (du provençal « montar »), au sens figuré : organiser, combiner...

•••Les principaux personnages•••

La liste complète commentée des personnages figure en fin de texte. Elle peut être consultée en cas de besoin. Tous les personnages des épisodes précédents sont re-décrits en quelques mots au fur et à mesure de leur apparition dans ce récit.

Pour faciliter la lecture, le nom et le prénom d'une personne commencent par la même lettre que le nom de leur métier. Par exemple :

- Édouard Ecorcier : Étudiant
- Patricia Parson : Personnel (chef du)
- Tatiana Turkof : Technicienne...

••• Une semaine bien remplie •••

(Mardi 27 juin – Vendredi 30 juin 1967)

Aujourd'hui, c'est la deuxième journée de stage d'Édouard Écorcier. En arrivant à l'usine, son premier geste est d'aller saluer Monsieur Dimitri Dumarez, le directeur général et patron de l'entreprise, homme au verbe haut et grand amateur de belles poitrines. Il se dirige ensuite vers le petit bureau d'études où il passera le plus clair de son temps. Édouard pousse la porte et entre. Tatiana Turkof, la jeune technicienne en électricité qui doit l'assister dans son stage, est déjà arrivée :

– Bonjour Tatiana.
– Bonjour Édouard. Alors, pas trop crevé après notre réunion technique à rallonge d'hier ?
– Non, à neuf heures j'étais au lit. Et vous ?
– Moi aussi, à quelques minutes près. Et qui vous fait à diner en rentrant, c'est votre logeuse ?
– Oui, c'est Béatrice Bompin, une amie du patron. Tout le monde la surnomme « Béa », elle s'occupe de tout pour moi, c'est une belle femme très sympa, et en plus elle cuisine aux « petits oignons ».
– Je la connais. C'est vrai qu'elle est super sympa. J'ai toujours eu d'excellents rapports avec elle.

Édouard se dirige vers l'immense bureau en bois qui lui a été attribué et qui paraît déjà petit compte tenu du nombre impressionnant de documents qui y sont entassés. Trois ou quatre piles de fiches de tests sont à étudier. Les premiers résultats statistiques montrent que si les bobinages sont toujours réalisés en respectant la précision contractuelle, une petite erreur insidieuse systématique persiste. Une étude approfondie est donc à réaliser, d'où un travail important en perspective.

Édouard a été très défavorablement impressionné par Patricia Parson, chef du personnel, responsable administrative et numéro trois de l'entreprise. Cette femme presque quadragénaire ne veut pas être appelée Madame mais Mademoiselle, un peu comme certaines dames britanniques très « vieux style » et fières de leur virginité maintenue. C'est à elle qu'Édouard doit rendre des comptes tous les matins sur le déroulement de son stage et sur les tests à réaliser.

Pour Édouard, cette femme ressemble plus à une gardienne de prison anglaise du début de siècle qu'à un cadre supérieur, tant son attitude est austère et froide. Une des premières choses qu'elle a dit sur un ton rigide qui a froissé Édouard, c'est qu'il ne faut en aucun cas mélanger le travail et les affaires de fesse, même après la sonnerie. En résumé, une femme antipathique :

– Je vais vous en raconter une bien bonne, Tatiana. Mademoiselle Parson m'a demandé de prendre le courrier chez le gardien dès qu'il arrive et de le lui apporter directement sans attendre que la préposée le fasse. Tout ça pour gagner du temps.
– C'est dans ses habitudes, la « cheftaine » essaye toujours de grappiller une minute par ci et une minute par là sur le temps de travail.
– Vous l'appelez « cheftaine » ?
– Tout l'atelier lui a donné ce surnom, ça lui va comme un gant.
– À choisir, je préfèrerais l'appeler « Miss Prison », je trouve qu'elle a tout d'une gardienne de prison pour femmes.
– Édouard, je ne sais pas si vous parlez souvent comme ça, mais je vous trouve particulièrement sévère ce matin.

Édouard déplace quelques documents sur son bureau pour se donner une contenance et relance la discussion :

– Tatiana, hier vous avez proposé qu'on s'appelle par le prénom, dans la foulée on pourrait en profiter pour se tutoyer.
– Tu m'as coupé l'herbe sous le pied, j'allais te le proposer aussi. Ça nous permettra de se différencier des vieilles rombières qui nous entourent, y compris notre cheftaine.
– C'est à mon tour de te trouver particulièrement remontée et sévère ce matin.
– Je te disais ça parce que je suis vraiment contente de travailler avec un garçon de mon âge. C'est dommage que ça se fasse si tard... Il y a plus de deux ans que je travaille, je mange, je vis, je loge, je respire... et que je fais tout, et tout, et tout... avec des femmes qui ont l'âge de ma mère ou plus.

Édouard regarde Tatiana en lui faisant un très large sourire avant de reprendre :

– Je vais t'en proposer une petite lichette supplémentaire. J'ai promis à notre responsable du contrôle, Madame Contra, de manger avec elle et ses collègues à la cantine. Tu viens avec moi, j'espère ?
– Oui, leur petite bande est assez sympa, on s'amuse bien avec elles à table.
– Tu vois qu'elles ne sont pas toutes comme ta cheftaine.
– Qui est aussi la tienne. Mais c'est vrai, tu as raison, j'ai un peu exagéré.

Édouard rassemble les fiches techniques présentes sur son bureau et commence par les classer par ordre d'importance. Ce travail étant plutôt machinal il peut continuer sa discussion avec Tatiana.

– Tatiana, on n'a pas encore fixé la date de notre grande randonnée à pied.
– On peut la faire demain si tu veux.
– Non, c'est trop tôt. Je ne suis pas libre avant vendredi. Sabine Sudra, la fille adoptive du patron, prépare des examens. Je vais lui donner deux ou trois cours de maths et de physique.
– C'est sympa pour elle. Donc on la fera vendredi soir puisqu'il n'y a pas d'autres choix.
– Je préviendrai Béa, ma logeuse, pour lui demander de décaler le dîner.

Après cette première discussion, le vrai travail commence, pas le stage doucet tel qu'Édouard l'avait imaginé en arrivant, mais un dur travail : une avalanche de chiffres à traiter, les comptes-rendus à faire à la cheftaine, les allers et retours avec l'atelier de bobinage, le bureau de contrôle, les prototypes à tester et les calculs magnétiques théoriques à vérifier ou à faire. Dans cette ambiance les journées passent très vite et les soirées tout autant. Heureusement que les repas de midi permettent le plus souvent de se décontracter quelque peu et de prendre du recul.

Le vendredi, jour de la grande randonnée pédestre avec Tatiana, vient lui aussi d'arriver bien trop tôt. La tête dans ses calculs, Édouard refait le point sur la semaine qui est sur le point de se terminer.

Lundi, le début de soirée a été génial avec Claire Contra, la chef d'équipe des contrôleuses. Faire l'amour sous une douche avec un déluge d'eau bien chaude qui vous tombe dessus : un vrai régal. Comme quoi les choses les plus simples peuvent s'avérer les plus agréables.

Mardi et mercredi, les deux soirées de travail avec Sabine ne se sont pas passées du tout comme prévu. Sabine avait beaucoup de questions à poser à Édouard pour faire son devoir et préparer ses examens. Les deux dîners, au cours desquels Édouard pensait travailler un maximum sur le terrain de la séduction, ne se sont avérés que de simples séances de travail. La soirée s'est terminée vers onze heures, quand Sabine a raccompagné Édouard chez Béatrice qui l'attendait avec impatience.

La sortie d'hier avec Claire Contra, la fougueuse responsable du contrôle, s'est particulièrement bien passée, trop bien peut-être. Cette femme sait complètement épuiser un homme en amour, c'est une amante très expérimentée et de tout premier ordre, l'explication en est peut-être à trouver du coté de son ancien amant et Professeur : Monsieur Antoine.

Depuis le début de la semaine, Béatrice attend tous les soirs qu'Édouard rentre avant d'éteindre la lumière. Elle a pris l'habitude de faire systématiquement une ou deux fois l'amour avant de s'endormir contre lui. Au retour de chez Sabine, les choses se sont déroulées comme à l'accoutumée et Béatrice a pu être pleinement satisfaite. C'est une amante toujours aussi empressée, vorace et infatigable mais un tantinet jalouse. Avec elle, il ne faut pas se contenter de promesses, elle offre son corps avec beaucoup d'enthousiasme mais il ne faut pas lui refuser les actions d'affection qu'elle attend. Se dépenser sans compter semble être sa devise.

Hier soir les choses ont été nettement moins simples pour Édouard. Il avait bien pris la précaution de dire à Béatrice qu'après Sabine c'était au tour de Claire de bénéficier d'un petit coup de main en statistiques et en électricité. Mais après être passé pendant près de trois heures par les mains et le corps de cette redoutable contrôleuse, il ne lui restait plus aucune énergie en réserve. Édouard a dû user de nombreux artifices avec Béatrice pour lui donner un maximum de plaisir, sans avoir à faire l'amour avec elle, ce qui l'a pour le moins surprise. Bien sûr il a donné d'excellentes excuses : tension nerveuse trop forte et stress de la journée, mais cela n'a convaincu à cent pour cent que lui-même, pas sa belle logeuse et amante.

Pour Édouard, c'est évident qu'à l'avenir, il faudra qu'il se montre beaucoup plus prudent. Sa priorité absolue est d'éviter ce genre de « pannes » qui, en toute logique, ne devraient pas arriver à un jeune garçon de vingt ans resté toute une journée sage comme une image. Pour se faire, Édouard devra toujours conserver quelques réserves... au cas où.

L'important dans ce genre d'affaires n'est pas de dire toute la vérité et rien que la vérité, mais de rester crédible à cent pour cent.

À l'usine, Édouard se débrouille plutôt bien dans cette ambiance féminine où la réserve est de rigueur, alors que les sous-entendus et les paroles à double sens sont monnaie courante. C'est vrai que les huit années de pensionnat passées chez les Frères des Écoles Chrétiennes lui ont permis d'affirmer son caractère. L'école du « ne pas laisser paraître » s'avère aujourd'hui d'un grand secours. Elle lui permet, en toutes circonstances et en toute innocence, de se tirer le plus souvent des situations les plus délicates, avec, il faut bien le reconnaître, une pincée de mauvaise foi dès que nécessaire.

L'horloge tourne et la fin de l'après-midi se rapproche. Le temps est magnifique, le ciel est bleu pâle et la température ne dépasse pas les vingt-six degrés. Les conditions sont idéales pour cette première grande excursion de trois heures à pied avec Tatiana.

••• Première balade à pied •••

(Vendredi 30 juin 1967, fin d'après midi)

La sonnerie de dix-sept heures retentit dans l'usine :

– Tatiana, tu mets combien de temps à te préparer ?
– Un bon quart d'heure tout au plus, Édouard.

Tatiana et Édouard se dirigent vers leurs douches respectives pour se mettre en tenue de marche. Édouard aurait bien pris quelques minutes pour contempler Tatiana dans le plus simple appareil depuis le poste d'observation sur les douches des femmes que lui a dévoilé Monsieur Antoine à son arrivée. Comme le temps manque aujourd'hui, ce sera pour une autre fois.

Édouard prend sa douche en deux coups de cuillère à pot, enfile un pantalon de toile et ses baskets, et retrouve Tatiana à la sortie. Elle est en short très court et assez moulant avec des grandes chaussettes et de vraies chaussures de marche. Ils croisent en partant la cheftaine qui surveille la sortie :

– Alors Monsieur Écorcier, vous êtes en tenue de campagne ?
– Oui, Mademoiselle Parson. Mademoiselle Turkof et moi, nous allons faire une marche à pied d'une quinzaine de km dans les environs.
– Et bien, excellente marche et à demain matin.
– Vous quittez l'usine tard aujourd'hui ?
– Oui, en règle générale le mardi et le vendredi je pars vers six heures. Cela me permet de régler différents problèmes administratifs dans le calme, quand l'usine est vide ou presque.
– Alors à demain matin avec le courrier.

Tatiana et Édouard quittent l'usine et se dirigent vers une toute petite route mal goudronnée s'éloignant de la vallée :

– Tu vois Édouard, notre cheftaine est un vrai faux-cul. Elle nous a menti. Si elle ne part que vers six heures c'est qu'elle va rejoindre son amant dans une sorte de grange à trois kilomètres d'ici.
– Ça ne m'étonne qu'à moitié de la part de cette gardienne de prison, mais c'est son problème, pas le mien.

Tatiana est quelque peu surprise qu'Édouard ne cherche pas à en savoir plus sur la cheftaine, mais elle remarque très vite que c'est elle qui intéresse vraiment son compagnon de marche, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Édouard profite du calme environnant pour prendre Tatiana par l'épaule :

– N'abuse pas de la situation, Édouard, tu peux me prendre par l'épaule si tu veux, mais je te demande de rester sage.
– Promis, juré, mais je vais te faire un aveu : quand on marche, ce n'est pas très pratique de caresser la poitrine d'une femme, même quand elle respire la santé.
– Édouard, tu as des relents d'adolescent obsédé et boutonneux et je me demande comment j'ai pu te proposer de faire une longue balade avec toi.
– C'est très simple, tu voulais écouter les récits de jeunesse d'un héros.
– Ne te vante pas, mais c'est vrai que j'aimerais bien que tu me parles un peu de ta vie de pensionnaire pendant qu'on se promène.
– Ça tombe bien, j'adore raconter mes souvenirs de guerre. Je suppose que tu veux que je te raconte les exploits les plus spectaculaires.
– Oui, tu me parleras de ta vie de tous les jours après.

Édouard lâche l'épaule de Tatiana, prend son souffle, fait un grand moulinet avec son bras et proclame d'une voix assez forte comme si un grand auditoire l'écoutait :

– Chez les Frères, on montait de très grandes farces qu'on appelait « galéjade » ou « bolla » et que le vulgum pecus appelle canular...

Cette première phrase prononcée, Édouard marque un temps d'arrêt, reprend Tatiana par l'épaule et lui demande avec le ton d'une personne qui vient de manquer quelque chose d'important :

– Mais avant j'aimerais que tu m'en dises un peu plus sur les folies de « Miss Prison », notre cheftaine si tu préfères.
– Je veux bien, Édouard, mais c'est toi qui m'as coupé tout à l'heure quand j'ai voulu t'en parler.
– Excuse-moi, Tatiana, à cause de toi j'avais la tête ailleurs... mais tout bien pesé j'aimerais que tu m'en dises un peu plus sur elle et sur la grange. C'est vrai je n'avais pas bien « tilté » tout à l'heure.
– Tilté ?
– Oui, c'est un terme de potache. Je n'avais pas accroché si tu préfères.

Tatiana, un peu surprise par la virevolte d'Édouard, reprend le fil de son histoire là où il avait été interrompu :

– C'est simple, notre cheftaine couche avec un homme marié, père de deux enfants, un catholique pratiquant qui va à l'église tous les dimanches, et à qui on donnerait le Bon Dieu sans confession.
– Comment le sais-tu ?
– D'une part, à l'occasion d'une balade à pied, je les ai vus sortir de la grange dans laquelle ils ont leurs rapports. D'autre part je connais cet homme, c'est un représentant de commerce qui habite dans le même village que moi.
– Donc, notre cheftaine du personnel n'est pas la sainte-nitouche qu'elle veut bien nous faire croire ?
– Non, pas du tout ! La cheftaine a une double personnalité. D'un côté, c'est une vraie peau de vache avec les femmes et, de l'autre, elle pique des hommes mariés, bons pères de famille.
– Tu parles d'elle sur un ton particulièrement agressif. Elle a été méchante avec toi ?
– Non ! Mais elle ne m'a pas réellement facilité la tâche pour les études que je vais reprendre.
– En fait, tu lui reproches d'avoir été neutre avec toi.

Édouard se tourne vers Tatiana, la serre très fort avec son bras et lui fait une grosse bise sur la joue qui se teinte instantanément d'une couleur rose délicieuse. Il reprend alors la conversation :

– En définitive, où se trouve cette grange où elle commet son péché de chair avec un homme marié ?
– À une bonne demi-heure à pied d'ici. Si tu veux on peut y aller tranquillement pour jeter un petit coup d'œil.
– Avec plaisir, ça va donner du piquant à notre ballade. Tu crois qu'ils seront encore dans la grange ?
– Bien sûr, on vérifiera que leurs voitures sont toujours garées à proximité.
– Un détail, qui est au courant de cette affaire là ?
– Personne. En semaine je me promène seule, il n'y a que le samedi ou le dimanche que je sors avec l'A.M.V. : l'Amicale des Marcheurs du Vivarais.
– Tu es donc la seule à savoir que « Miss Prison » a un rapport ou autre chose avec un homme.
– Que veux-tu dire avec « autre chose » ?
– Tu ne les as pas vus à l'action, si ça se trouve elle fait des choses tout à fait inavouables dans la grange, comme par exemple se faire fouetter pendue par les pieds au plafond.
– Là, je pense que tu exagères, tout le monde n'est pas comme le Marquis de Sade.

La discussion prend une tournure qu'Édouard apprécie tout particulièrement :

– À dire vrai, Tatiana, dès le premier jour j'ai eu un certain malaise quand notre grand chef me l'a présentée. Elle a toujours été très correcte avec moi, mais elle me semble si froide, si distante, beaucoup trop boulot, sans côté humain...
– Sur le coté humain tu as complètement raison, Édouard. C'est la seule femme qui a son propre vestiaire et ses douches perso. Elle refuse de prendre sa douche « à poil » avec les autres femmes comme le fait Sabine, ta nouvelle élève en maths, et comme je le fais moi-même.
– Elle a peut-être un problème physique.
– Non ! Je ne crois pas, elle est simplement trop infatuée de sa personne.

••• Galéjade : la décision •••

Édouard se penche pour faire une deuxième grosse bise sur la joue de Tatiana, qui semble presque regretter une certaine réserve :

– Tatiana, j'aimerais bien être une petite souris et voir ce qu'elle fait quand elle est avec un homme.
– Tu veux perdre ton temps à regarder cette vieille peau alors que tu tiens dans tes bras une fille sportive de ton âge ? Tu n'es pas très net dans ta tête.
– Tatiana, ce n'est pas du tout à cela que je pensais. J'envisageais de faire une bonne blague à cette gardienne de prison, une galéjade du bon vieux temps, comme chez les Frères, mais avec toi.
– Tu veux la prendre en photo, la faire pincer par l'épouse... ou la faire chanter ?
– Bien sûr que non, je ne suis pas un fayot.
– C'est quoi un fayot ?
– C'est un cafteur, quelqu'un qui dénonce gratuitement. Moi je voudrais faire quelque chose de beaucoup plus subtil qu'elle seule connaîtra, pas les autres.
– Tu penses à quoi ?
– Lui voler quelque chose quand elle s'envoie en l'air avec son amant et lui rendre très discrètement quelques jours après ; sans qu'elle sache ni pourquoi, ni comment, ni par qui.
– N'oublie pas, nous ne sommes que deux.
– Je n'oublie rien, mais dis-moi si tu es partante pour qu'on essaye de faire quelque chose ?
– Plutôt deux fois qu'une.

Tatiana et Édouard se dirigent vers la grange, en forçant le pas, mais sans excès. Le chemin qu'ils prennent va leur permettre d'arriver discrètement par derrière et donc de voir si les deux amants sont toujours là. Un bon quart d'heure plus tard, au détour d'un sentier, Tatiana lui dit :

– Voilà, nous sommes arrivés. C'est cette espèce de grange, là bas.
– Tatiana, tu crois qu'ils sont toujours là ?
– Oui, regarde ! Leurs deux voitures sont garées tout là-haut sur le bord de la route, à trois cents mètres de la grange. Ils sont venus par le petit chemin que tu vois à travers la prairie. Comme il n'est que six heures passées, ils devraient encore prendre du bon temps pendant une heure au moins.
– On va s'approcher au maximum sans qu'ils nous voient.
– S'ils nous voient, ils pourraient nous causer des problèmes.
– Non ! Absolument pas, ce seront eux les plus gênés.
– Édouard, j'ai quand même un peu peur des conséquences.
– Toi peut-être, mais moi non. Je ne suis qu'un jeune garçon mineur et sans défense en train de se faire détourner et peut-être même abuser par sa supérieure hiérarchique.
– Tu ne trouves pas que tu pousses le bouchon un peu loin ?
– Ce n'est que la douloureuse réalité.
– Tu n'es pas majeur ?
– Non, j'aurai vingt et un ans l'année prochaine. Et toi ?
– Je suis une vieille pour toi, j'ai bientôt vingt trois ans.

Édouard sert très fort la « vieille » dans ses bras et lui fait une troisième grosse bise sur la joue et un baiser prononcé dans le cou. Tatiana se laisse faire, un peu déçue de ne pas être vraiment embrassée. Après ce très bref intermède Édouard, complètement obsédé par cette nouvelle galéjade, poursuit :

– Pour en revenir à notre grange, qu'y a-t-il de l'autre coté ?
– Une grande fenêtre en surplomb. Sinon les ouvertures sont devant toi, côté montagne.
– Et en dessous qu'y a-t-il ?
– Rien, un sol en terre battue, c'est un peu sale à l'intérieur et l'entrée est de l'autre côté, on ne la voit pas d'ici.
– Donc on ne peut pas y aller. On va s'installer derrière le gros arbre qui se trouve sur le devant. On va y aller sans courir et en prenant toutes les précautions pour ne pas être vus. On ne sera pas aux premières loges, mais on sera bien camouflé.

Édouard reprend avec un sourire et sur un ton plus que coquin :

– Si jamais ils nous voient, on leur fera comprendre que tu as un cul magnifique et que j'allais l'honorer.
– Je te disais tout à l'heure que tu étais redevenu un ado boutonneux. C'est pire que ça, tu as la mentalité d'un pré-ado.
– Et donc, non boutonneux puisque c'est le privilège réservé des ados.

Édouard, dans une super forme, poursuit :

– Je vais te faire une révélation. Quand j'étais un pré-ado, j'étais Scout. Et ce que nous sommes en train de faire me rappelle les grands jeux : tout savoir sur ce que font les autres patrouilles sans se faire voir.

Tatiana et Édouard arrivent enfin derrière le gros chêne et s'assoient le dos à l'arbre :

– Tatiana, nous avons maintenant une belle vue sur la région mais pas sur la grange.
– C'est vrai que la région est belle.
– Je vais te faire une confidence, quand je vois tes jambes allongées, ce sont tes cuisses que je trouve belles et appétissantes.
– Tu ne trouves pas que tu vas de plus en plus vite en besogne ?
– À rester adossé à un vieux chêne, il n'est pas interdit de rêver et de profiter d'une situation qui pourrait devenir agréable. Je ne vois pas pourquoi je pourrais trouver intéressant de contempler le paysage, d'observer la fourmi égarée et ne pas te dire que je meurs d'envie de regarder tes cuisses.
– Mais tu les regardes !
– Je vais te faire une confidence, Tatiana...
– Une de plus.
– Oui ! J'adore regarder les cuisses des jolies femmes avec mes mains.
– Rien que ça.
– Non ! J'aime aussi laisser gambader mes mains jusqu'aux fesses.

Alors que rien ne le laissait prévoir, Tatiana se tourne brusquement vers Édouard et lui dit à voix basse mais sur un ton très décidé :

– Édouard, je ne veux pas de rapport avec toi !

Édouard, stupéfait, marque un geste de recul :

– Que veux-tu dire par là ?
– Tu n'as jamais eu de rapport avec une fille ?
– Tatiana, j'ai un grave problème, je ne comprends pas ce que tu veux dire exactement avec le mot « rapport ».
– Et baiser avec une fille ça te dit quelque chose ?
– Bien sûr... Serais-tu en train de me dire que tu ne veux pas faire l'amour avec moi ?
– Aujourd'hui : non ! Mais dans trois ou quatre jours : oui !
– Et... et pourquoi ?
– Parce que sinon dans neuf mois nous serons trois.

Édouard pousse un grand soupir. Il n'avait pas compris non plus la signification précise de « je ne veux pas... »

– Tatiana, c'est dur-dur ton vocabulaire. J'ai enfin tout compris, ce n'est pas que tu ne veuilles pas, mais que tu ne peux pas.
– Tu joues sur les mots, Édouard, mais l'important c'est qu'on se comprenne.
– Parfaitement.

••• La future amante •••

Passé ce petit problème de vocabulaire, l'affaire se présente plutôt bien pour Édouard :

– Je vais te prendre dans mes bras, Tatiana, j'ai envie d'avoir un avant-goût du « rapport qu'on aura ensemble mardi... mais pas avant ».
– Ne te moque pas de moi, Édouard, je crois que tu avais très bien compris que tu pouvais m'embrasser aujourd'hui sans attendre mardi, et tu aurais même pu le faire avant.
– Si je ne l'ai pas fait avant, c'est que je suis d'une timidité maladive...

Édouard embrasse Tatiana qui participe avec beaucoup de fougue. Il caresse délicatement ses cuisses fermes et très sensuelles. Il demande à Tatiana sur un ton mêlé d'une pointe d'ironie :

– Allonge-toi sur le ventre, j'aimerais commencer à découvrir ton corps et certaines parties que j'affectionne tout particulièrement.
– Tu ne veux pas attendre mardi ?
– Pour avoir un « rapport » : oui ! Pour découvrir ton corps : non !

Tatiana se met sur le ventre. Ses avant-bras lui servent de coussin. Édouard défait les deux gros boutons qui ferment son short et peut ainsi passer sa main très facilement à l'intérieur. Ses fesses sont fraîches, rondes et musclées, et sa peau est très soyeuse. Ses parties plus intimes sont à la fois étroites, fermes et onctueuses. C'est une sensation des plus agréables. Son clitoris un peu proéminent ne demande qu'à être cajolé :

– Comment te sens-tu, Tatiana ?
– Tu devrais le deviner.
– Ton petit clito est sensible ?
– Ça ne te regarde pas.

Édouard, particulièrement taquin, diminue progressivement ses caresses. En bougeant ses fesses, Tatiana essaye de maintenir la pression, puis n'y tenant plus demande à Édouard sur un ton presque suppliant :

– N'arrête pas, Édouard, s'il-te-plait n'arrête pas.
– J'adore regarder le visage d'une fille qui va jouir.
– Tu es de plus en plus vicieux...

Tatiana ne peut pas terminer sa phrase. Son corps, dont les soubresauts commencent à devenir conséquents, exprime ouvertement et sans pudeur son désir d'accéder au plaisir le plus rapidement possible. Son ventre se soulève, ses cuisses deviennent dures comme de l'acier et font prisonnière la main d'Édouard, qui perd toute liberté de manœuvre. Mais Tatiana en a-t-elle encore besoin ? Non ! Une vague de bonheur est en train de la submerger.

Édouard contemple sa future amante prendre son plaisir. Ses muscles sont bien dessinés, son visage a un regard qui semble parti très loin, là où aucun homme n'a et ne pourra jamais aller. Ce court instant passé, Tatiana reprend la maîtrise des évènements, son souffle devient plus régulier, son corps se décontracte et délicatement elle retire la main d'Édouard en lui faisant le sourire d'une femme satisfaite et comblée.

– Merci, Édouard, pour cet avant-goût de mardi.
– De rien, Tatiana, tout le plaisir était pour « toi »...

Édouard pose sa tête sur le dos de Tatiana et passe de longues minutes à penser à tout et à rien, ou plutôt à tenter d'organiser dans sa tête la suite des évènements. Ces instants de méditation passés, il se met à genoux et observe Tatiana allongée sur le ventre, se contentant d'attendre la sortie de la grange de la cheftaine et de son amant.

– Tatiana, vu d'ici le spectacle est fabuleux, ça me permet d'admirer une superbe paire de fesses que mon grand-père m'aurait conseillé d'honorer... comme tout honnête homme se devrait de le faire.
– Il se serait trompé, comme je te l'ai déjà dit, cette partie de mon individu n'est pas à honorer.
– Et mon grand-père d'ajouter : « il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau ». Tatiana excuse-moi d'être un peu vulgaire mais tu as un cul magnifique et c'est une partie de ton anatomie que j'estime tout particulièrement.
– Tu n'es pas vulgaire, c'est très sympa de me dire tout ça. Disons que j'ai la chance d'avoir un cul que tu trouves magnifique mais je ne veux pas qu'il soit honoré.

Édouard recommence à caresser délicatement les cuisses de Tatiana qui semble y prendre un plaisir certain :

– Tatiana, j'arrête de discuter avec une fille complètement obtuse.
– Pour l'instant c'est surtout ta main qui continue de discuter avec moi.
– Je fais tout cela parce que je suis un galant homme et que j'aime les jolies choses... et pis, tu serais vexée si je ne le faisais pas.
– Édouard, arrête de te foutre de moi, s'il te plait.
– J'ai juste une dernière question à te poser.
– Je te dis M... Tu es content ?
– Quelle violence, Tatiana, quelle violence ! Je voulais simplement te demander pourquoi tu es tellement mouillée.
– Édouard, est-ce que tu sors toujours autant d'inepties quand tu es allongé à coté d'une fille ?
– Je peux enlever ma main si tu veux.
– Non ! Mais tais-toi.
– Je la laisse sur tes cuisses mais il faut que tu me parles avec déférence.

Après avoir longuement caressé les cuisses de Tatiana, Édouard entreprend de baisser son short à mi-cuisse. Curieusement Tatiana ne fait aucune opposition, même verbale. Sa petite culotte qui n'a de petite que le nom, est en coton blanc. Comme toutes les sportives elle met des sous-vêtements confortables mais pas particulièrement sexy. Dans la foulée Édouard en profite pour la faire glisser à son tour à mi-cuisse. Cela lui permet de découvrir intégralement et en détail ce qu'il n'a pas le droit de consommer avant mardi. « Cette fille est vraiment bien foutue » pense-t-il.

Avec sa main Édouard repart à l'exploration des parties les plus féminines et les plus sensuelles de Tatiana. Leur extrême onctuosité et leur sensibilité est l'exact reflet de son excitation. Le simple fait de passer lentement le doigt entre ses deux lèvres et de le diriger vers son clitoris déclenche une multitude de petites réactions dans ses cuisses et dans ses fesses. Pas encore très fortes mais annonciatrices d'une deuxième demande en plaisir.

Édouard, bien que particulièrement excité, préfère jouer les martyrs de son côté et ne rien demander pour l'instant à Tatiana. Hier soir il n'a pu honorer directement Béatrice et a dû faire appel à des subterfuges, sympathiques, efficaces, mais des subterfuges quand même. Claire Contra, l'insatiable contrôleuse, l'avait vidé de toutes ses forces.

Tout d'un coup, sans crier gare, Tatiana se redresse sur ses coudes et dit à Édouard à voix basse et avec une certaine inquiétude :

– Chut ! Enlève ta main... ne parle pas fort... regarde, ils s'en vont.
– Ça y est, je les vois.

En deux temps trois mouvements Tatiana se met à genoux et se rhabille.

– Je ne suis pas très rassurée, je n'ai jamais fait quelque chose comme ça avant.
– Dis donc, Tatiana, le type est en complet veston...
– Bien sûr, c'est un représentant de commerce, il est toujours en tenue de ville.
– ...et elle, elle est toujours en tailleur gris « prison »
– Comme tous les jours.

C'est la première fois qu'Édouard voit la cheftaine sans sa grande blouse et donc dans une tenue beaucoup moins austère qu'à l'usine. Elle lui paraît beaucoup plus féminine qu'il n'aurait osé l'imaginer :

– La seule différence, c'est qu'elle n'a ni son grand tablier gris fer, ni ses lunettes, ni son chignon.
– C'est du détail.
– Non, elle a une magnifique queue de cheval et ça lui donne quand même un air nettement moins rébarbatif, beaucoup plus féminin.
– Tu ne vas pas commencer à la trouver belle ?
– Ne soit pas jalouse, ce n'est vraiment pas mon style... et en plus comme je ne suis pas marié je n'ai aucune chance avec elle.
– Ce n'est pas évident, je connais beaucoup de femmes de quarante ans et plus qui ne refusent pas une aventure avec un petit jeune. Tu ne vas pas tarder à le découvrir avec certaines des bobineuses.

Édouard lui répond du tac au tac sur un ton particulièrement ironique et avec un petit sourire en coin :

– À celles-là, Tatiana, il faut absolument me présenter avant ton départ.
– Tu es vraiment gonflé de me demander ça.
– Qu'est-ce que ça peut te faire puisque tu t'en vas ?

Ne sachant plus très bien sur quel pied danser, Tatiana lui répond après quelques secondes d'hésitation :

– Le dernier jour si tu veux, pas avant.

••• La visite de la grange •••

Édouard se lève et invite Tatiana à en faire autant :

– Maintenant qu'ils sont partis, Tatiana, allons voir cette grange de plus près.
– Je te suis.
– J'espère que tu as remarqué que leurs vêtements semblaient nickel, du moins à ce qu'on peut en juger à cette distance. Je n'ai pas vu de paille dans leur dos et ils n'étaient pas chiffonnés.
– C'est évident qu'ils ne les jettent pas sauvagement au sol.
– Oui, mais j'ai observé qu'ils n'ont ni sac, ni matériel avec eux.

La grange est sur la pente. C'est un bâtiment moitié béton, moitié tôles ondulées. En dessous une sorte d'abri pour animaux et au-dessus une grande réserve de foin. Le local est à moitié plein. Tout en haut de la grange, juste avant la toiture, une sorte de grand balcon en béton donne sur l'extérieur et se prolonge en petite plateforme à l'intérieur. Une vieille poulie, toujours munie de sa grosse corde, devait permettre de décharger des charrettes. La corde semble en relativement bon état. Le crochet est coincé dans la gorge de la poulie ce qui empêche la corde de tomber.

– Tatiana, je vais monter voir ce qu'il y a sur ce balcon en utilisant la corde.
– Quand tu y seras, je te suis.
– Cela me permettra de voir tes belles cuisses musclées en action.
– Tu n'es jamais sorti avec une fille un peu sportive ?
– Si, pendant un mois avec une volleyeuse en Allemagne de l'Est.
– Donc tu sais ce que c'est que des muscles de femme.
– Tatiana, je te faisais simplement marcher.

En quelques mouvements Édouard et Tatiana atteignent ce balcon extérieur. Pour passer vers la plateforme intérieure, une petite porte coulissante rouillée s'ouvre avec difficulté. À l'intérieur, la plateforme en béton très rugueux est protégée par une rambarde en bois massif dont les différentes planches ont joué, ce qui permet de voir par les interstices. En dessous un râtelier qui semble n'avoir jamais été utilisé et, un peu plus au fond, en partie cachée, une grande bâche en tissu, recouvrant des bottes de foin, qui vient visiblement d'être utilisée.

– Tatiana, je pense savoir comment ils font l'amour ici.
– Tu es un vrai Sherlock Holmes.
– Non, avec l'exercice qu'on vient de faire, plutôt un James Bond.
– Alors, donne-moi vite ta vision des choses.
– Quand ils arrivent ils ouvrent la grande porte à glissière du bas, ensuite ils doivent la fermer de l'intérieur. À ce moment plus personne ne peut les déranger. Ils se déshabillent sur le râtelier, c'est ce qui explique que leurs vêtements restent propres. Regarde toutes les traces de pas dans la poussière au sol. Ensuite ils vont faire l'amour pendant une heure sur la bâche qui est de l'autre côté, on voit bien qu'elle vient de servir. Le confort sans aucune trace.
– Tu m'épates. Tu as loupé ta vocation, il te fallait être gendarme ou policier.

Édouard se rapproche de Tatiana, pose ses lèvres sur les siennes et l'embrasse avec beaucoup de fougue en en profitant pour saisir ses fesses à pleine main. Les ardeurs apaisées et toujours aussi excité par la galéjade, il propose à Tatiana un plan d'action :

– Mardi on va venir s'installer sur cette petite plateforme sur laquelle nous sommes, c'est un formidable poste d'observation. On va l'aménager confortablement dès ce soir avec l'une des bâches qui traînent en bas et de la paille.
– Pourquoi ?
– Le sol en béton est beaucoup trop rugueux, on ne pourrait même pas s'asseoir. Par contre, une fois aménagé, on pourra y faire l'amour tous les deux ici, mais à une condition fondamentale...
– Laquelle ?
– Que tu saches jouir et prendre tout ton plaisir en silence.
– Ça, je sais faire, tu peux compter sur moi.

Édouard se penche vers le râtelier du bas :

– Si jamais au cours de nos ébats amoureux on se trouve à court d'imagination, on pourra jeter un petit coup d'œil comme je le fais en bas pour les regarder et leur emprunter des idées.
– Il n'en est pas question. Si tu fais l'amour avec moi, je ne veux pas que tu mates les deux autres. Je n'aime ni les vicieux, ni les pervers.
– C'est promis, je ne regarderai que toi.
– Je te préviens, quand on s'aimera, je veux que tu t'occupes beaucoup de moi. Je n'aime pas l'amour à la va vite.
– Ne t'inquiètes pas, je serai aux petits oignons pour toi.
– Moi aussi et tu verras, tu ne seras pas déçu.
– Voilà une séance qui promet d'être particulièrement sympa.

Édouard poursuit en envisageant différentes hypothèses pour son plan d'action :

– Si notre cheftaine met ses sous-vêtements sur le râtelier qui est en dessous, on pourrait essayer d'en piquer un ou deux. Ce devrait être possible avec un système de pinces à deux câbles, un peu comme les grues à ferraille ou à sable. Quand on tire avec le premier câble la pince s'ouvre, quand on utilise l'autre câble, la pince se ferme.
– Ces pinces, tu veux les trouver où ?
– On pourrait les faire fabriquer à l'atelier en trouvant un prétexte.
– Ça, je saurai faire.
– À la place de la pince on pourrait prendre un fil à plomb avec de la glu.
– On pourrait aussi rester à l'extérieur et subtiliser un vêtement avec une canne à pêche.
– Oui, mais on ne verrait pas ce qu'ils font.

Édouard se lance ensuite dans de grandes explications théoriques. Quand on organise une galéjade, il faut envisager différentes solutions et surtout prévoir plusieurs portes de sortie.

Édouard est déjà certain de plusieurs choses. Il faudra faire en sorte que la grande porte coulissante de la grange laisse un interstice suffisamment important quand elle est fermée pour pouvoir agir en cas de besoin. Il faudra aussi que la petite porte coulissante de la plateforme fasse moins de bruit en s'ouvrant et en se fermant.

Pour mettre au point cette galéjade, il faudra obligatoirement une séance de préparation en plus de la séance d'observation. Et puis ce sera le grand jour.

Le vol ou plutôt l'emprunt d'un sous-vêtement ne devrait pas être la partie la plus difficile, par contre la restitution devra être organisée finement. Il faudra être aux premières loges pour y assister.

Édouard a pensé quelques instants renvoyer l'objet du délit par la poste comme il l'avait déjà fait il y a quelques années chez les Frères. Le seul problème c'est qu'on n'assiste pas au choc de la restitution, on n'en voit que les conséquences. Mais il reste encore beaucoup de temps avant de prendre les décisions.

– Édouard, si on était découvert que pourrait-on faire ?
– Je crois que c'est un faux problème, Tatiana. Imaginons que par miracle ils trouvent une échelle et qu'ils nous voient sur la petite plateforme. Ils ne peuvent rien nous dire. Nous sommes dans une grange presque désaffectée, nous sommes arrivés en premier, et nous faisons l'amour en toute innocence comme de jeunes tourtereaux.
– C'est vrai, tu as raison.
– Ce seront eux les plus gênés, n'oublie pas que si elle est célibataire, lui est marié. Ce sera à lui d'expliquer ce qu'il fait à cette heure-là dans un lieu qu'il pensait discret. Moi je préfèrerais de beaucoup être à ma place plutôt qu'à la sienne.
– Je suis complètement d'accord.
– Le seul moment délicat, ce sont les quelques secondes nécessaires à la substitution ou au camouflage du slip ou du soutien-gorge.
– Et c'est là qu'il faut qu'on prenne de sacrés précautions.
– Et qu'on les aiguille immédiatement sur une fausse piste.

••• « L'objet de soutien » de Sœur Magdeleine •••

Un monde d'images et de souvenirs s'entrechoquent dans la tête d'Édouard. Il se lance dans un long monologue pour décrire à Tatiana comment se faisait une galéjade chez les Frères. La plus spectaculaire avait été le vol du soutien-gorge en simple coton blanc de Sœur Magdeleine. Cette personne assez sportive mais très rébarbative accompagnait les filles de l'institution voisine dans la petite piscine dont disposait l'établissement des garçons. Il avait fallu plusieurs semaines de préparation et de mise au point de cette galéjade.

Quel scandale à l'époque, même l'évêque et le chef de la police s'en étaient mêlés. En fait personne n'avait osé dire qu'il s'agissait d'un soutien-gorge. La plainte avait porté sur des objets personnels et certains bruits laissaient à penser qu'il s'agissait d'un porte-monnaie.

Cet « objet de soutien » avait été renvoyé par la poste quelques jours plus tard au plus grand journal quotidien de la région, en dévoilant toutes les ficelles de l'organisation de l'affaire. Et là, quel scandale à nouveau, mais surtout quel éclat de rire général. Emprunter le soutien-gorge d'une bonne sœur, tous les anticléricaux s'en firent les gorges chaudes. Suite à ce canular, Sœur Magdeleine n'est jamais réapparue dans l'établissement. Quant aux organisateurs dont Édouard faisait partie, ils n'ont jamais été ni dénoncés par leurs camarades, ni démasqués par les « préfets de discipline », les surveillants ou le censeur.

– Tatiana, mardi prochain ce sera le jour J, on observe et on fait l'amour.
– Oui, notre vrai premier rapport.

Édouard explique ensuite à Tatiana que tout doit être prêt pour le jeudi suivant qui sera le jour de la préparation des lieux et du test du matériel, et après, comme le dit la sagesse populaire, à la grâce de Dieu.

Pour Édouard, il est certain qu'après cette bonne leçon, la cheftaine devrait être beaucoup moins hautaine. Elle va même être dans une situation délicate car elle ne saura pas qui a organisé le coup et qui est au courant. Quant au don Juan commercial, il devrait forcément avoir la trouille de sa vie. C'est lui qui a le plus à perdre, étant le seul à être marié.

– Reste ici, Tatiana, je redescends pour t'envoyer une bâche et une botte de paille que tu vas remonter avec la corde. Est-ce que cette ébauche de plan te plaît ?
– Édouard tu es incroyable. Ça ne devait pas être triste en pension avec des garçons comme toi.
– Quelquefois non, mais la plupart du temps, si. Les galéjades bien montées, on n'en faisait pas plus d'une ou deux par an.

••• Le retour •••

C'est maintenant l'heure de rentrer. Édouard en a pour une bonne heure de marche dont la moitié en compagnie de Tatiana. Au début il prend Tatiana par l'épaule, puis par la taille et à la fin, un brin plus coquin, il met sa main directement dans son short, en contact direct avec le haut de ses fesses. Il peut le faire, la route est déserte, la sensation si agréable et Tatiana pas mécontente de la situation.

Arrivés un peu avant le point de séparation, Tatiana entraîne Édouard à l'écart de la petite route près d'une minuscule maison inhabitée et lui déclare :

– Je ne veux pas qu'on sache à l'usine que je vais devenir ton amante et que tu as déjà beaucoup abusé de moi avec tes mains.
– Ne t'inquiète pas, je n'aurai aucun geste déplacé en public vis-à-vis de toi.
– Alors embrasse-moi très fort avant qu'on se quitte.

Édouard serre très fort contre lui Tatiana en l'embrassant. Il profite une dernière fois de cet instant privilégié pour approfondir la connaissance de ce corps qui sera complètement à lui dans quatre jours.

– Enlève ton short et ta petite culotte, j'ai envie de te faire un petit cadeau d'adieu... avant de se quitter.
– Mais tu es fou Édouard, si quelqu'un nous voyait.
– Comment veux-tu qu'on te voit ici, il n'y a personne dans cette vieille maison et les arbustes nous protègent de la route.
– Que veux-tu faire ? Tu sais qu'on ne peut rien faire ensemble aujourd'hui.
– Je veux simplement te faire un gros bisou avec ma langue là où il m'est interdit d'aller avec autre chose.
– Édouard tu n'es pas raisonnable, tu te rends compte de ce que tu me dis ?
– Parfaitement, je n'ai aucune envie d'être raisonnable avec toi, je veux simplement faire un gros bisou sur ton joli minou... ou ta jolie minette si tu préfères.

Tatiana est inquiète. Elle regarde à gauche et à droite pour vérifier une dernière fois qu'à côté d'une route déserte, derrière un bouquet d'arbustes, on a plus de chance de gagner le gros lot de la loterie nationale que de rencontrer un satyre ou un coquin de voyeur. Après une dernière hésitation elle finit par enlever son short et sa culotte comme le souhaitait Édouard :

– Tu es superbe, Tatiana. Écarte délicatement tes jambes, mets tes mains sur ma tête et laisse-toi aller.

Édouard se met à genoux et avec sa langue part du nombril pour se diriger vers ces parties si féminines et si sensibles et y faire le plus onctueux des baisers. Tatiana caresse la tête d'Édouard avec ses mains. Les petits coups de langues d'Édouard ne tardent pas à porter leurs fruits. Ce mélange de sentiments, la joie de se trouver avec un garçon de son âge, l'excitation d'organiser un canular en grandeur nature font que Tatiana est submergée une deuxième fois par le plaisir. Comme souvent avec les sportives, elle récupère assez vite :

– Édouard c'est la deuxième fois que tu m'as fait une gâterie aujourd'hui.
– Je trouve ce mot super sympa.
– Et moi ce que je trouve super sympa c'est tout le plaisir que j'ai eu.
– Je ne vais pas t'apprendre que les femmes sont très réactives au moment de leur ovulation, c'est la nature qui veut ça.
– Elle est mal faite la nature, c'est au moment où les choses sont les plus agréables qu'il faut savoir s'en priver.
– Toi, tu n'en as pas été privée.
– Moi, non ! Mais toi oui !
– Mais rassure-toi, je n'ai pas été privé de tous les plaisirs. Voir ma jeune patronne de stage en chaussures de marche, habillée du haut, les fesses et le minou à l'air, à vingt mètres d'une petite route et qui vient de se faire donner un petit plaisir, c'est pour le moins original et coquin. Quand tu me demanderas quelque chose au travail c'est dans cette simple tenue que je t'imaginerai.
– Si tu m'avais dit tout cela avant, je n'aurai jamais accepté que tu me fasses...
– ... jouir ?
– Édouard, c'est difficile de parler sérieusement avec toi.
– Ne t'inquiète pas, je te faisais simplement marcher. Avant de se quitter j'ai un service à te demander.
– Oui, lequel ?
– Maintenant que tu viens de me montrer le bas, j'aimerais que tu me montres le haut.
– Cette fois-ci, Édouard, c'est moi qui fixe les conditions.
– Je les accepte d'avance, c'est promis.
– La seule chose que je te demande : je ne veux aucune plaisanterie douteuse de ta part.
– Accordé !

Tatiana enlève sa chemisette et dégrafe son soutien gorge. Ses seins sont à point : ni trop petits, ni trop gros. Édouard prend Tatiana dans ses bras et l'embrasse pour la dernière fois de la journée avec beaucoup de fougue :

– Vivement mardi prochain, Tatiana, mais en attendant : à demain.
– À demain, Édouard, et fait une grosse bise à Béatrice de ma part. N'oublie pas de lui dire que j'adore son pain et que je lui envoie des clients chaque fois que je le peux.
– Ça lui fera plaisir.

À suivre...

•••Liste commentée des personnages•••

Les personnages jouant un rôle important dans ce récit sont précédés d'un gros point « • ». La liste est faite par ordre alphabétique.

Antonin ACOL dit « Monsieur Antoine » (son nom de Résistance qu'il a gardé depuis) : ingénieur ancien responsable des approvisionnements, c'est un célibataire endurci et un très grand tombeur de jupons. Il a fait des propositions à « presque toutes les femmes » du Vivarais. Au départ des Allemands en 1944, il a sauvé l'usine de la destruction grâce à ses relations avec une femme ingénieur allemande à qui il a sauvé la vie à la libération de la ville en septembre 1944. Il se relève d'une longue et pénible maladie et est à quelques semaines de la retraite.

Béatrice BOMPIN : boulangère, veuve depuis plus de dix ans, elle est la mère d'une grande fille de 22 ans travaillant en Belgique. Son mari, qu'elle a connu pendant la résistance, était un ami intime de Dimitri DUMAREZ. Elle loge Édouard en demi-pension et, par un curieux concours de circonstances, est devenue son amante dès le premier soir. C'est une belle femme, avec quelques rondeurs, très conviviale qui adore les bonbons à la menthe et que tout le monde surnomme « Béa ».

Chantal CALOT : ancienne confiseuse, elle tient la boulangerie en association avec Béatrice BOMPIN

Claire CONTRA : responsable du contrôle, divorcée, elle est la mère d'une fille de 22 ans qui vit toujours avec elle. Trompée par son ex-mari dès le soir de son accouchement, elle a été l'une des maîtresses de Monsieur Antoine jusqu'à son récent incident de santé. N'ayant qu'un amant « à temps partiel », elle a pris l'initiative de séduire Édouard ÉCORCIER le premier soir de son arrivée à l'usine.

Didier DUFOUR : Directeur et associé de Dimitri DUMAREZ, c'est un ancien résistant.

Dimitri DUMAREZ : Directeur général de l'entreprise qui porte son nom, c'est un ancien résistant. La rumeur précise qu'il serait mort depuis longtemps s'il avait reçu autant de coups de bâtons qu'il a caressé de poitrines de femmes.

Édouard ÉCORCIER : Étudiant de deuxième année à la faculté des sciences de Montpellier, vient de décrocher tous ses examens. Bien qu'ayant un peu plus de vingt ans, il n'a pas de voiture, ses économies ne lui permettent pas encore d'en acheter une. Il fait un stage de cinq semaines dans l'entreprise DUMAREZ, spécialisée dans le petit bobinage électrique de précision. Leurs dirigeants sont des amis de Résistance de ses parents.

Patricia PARSON : chef du personnel et responsable administrative (numéro trois de l'entreprise), elle supervise hiérarchiquement le stage d'Édouard ÉCORCIER qui doit lui faire un rapport tous les jours. Cette femme de père anglais et de mère française, autoritaire et à l'aspect très austère, est toujours célibataire. Elle exerce ses responsabilités dans l'usine avec une main de fer. Elle a trois surnoms : « Cheftaine » par tout l'atelier, « Miss Prison » par Édouard ÉCORCIER et « Pat » par son amant Roger RAMBAL.

Roger RAMBAL : représentant de commerce en fournitures industrielles, il est marié, père de deux enfants et catholique très pratiquant. C'est en présentant ses produits à Patricia PARSON que leur liaison est née.

Sabine SUDRA : responsable du suivi de la fabrication. Son père, syndicaliste et résistant, a sauvé Dimitri DUMAREZ en 1944 avant de mourir en déportation. Devenu par ce fait la fille « adoptive » de Dimitri DUMAREZ, elle est célibataire, fait du syndicalisme comme son père, de la politique et poursuit des études par correspondance. Cette femme de 36 ans au regard vif et aux idées très avancées, est à la fois belle, travailleuse acharnée, intelligente... mais fait fuir tous les hommes.

Tatiana TURKOF : technicienne en électricité, célibataire, elle va quitter la société pour poursuivre des études d'ingénieur. Un peu plus âgée qu'Édouard, elle supervise son début de stage. C'est une fille très sportive grande amatrice de marche à pied.

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